Quatre ans après Fukushima, la sûreté nucléaire peine à s'organiser

Fukushima-Daiichi - 11 mars 2011 : séisme / tsunami / catastrophe nucléaire majeure...

Toujours secoué, le monde du nucléaire essaye encore de rassurer. L'Europe tente de montrer le chemin d'une sécurité renforcée avec sa nouvelle directive mais tous ne veulent pas suivre.

L'accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi (Japon) le 11 mars 2011 a provoqué un branle-bas de combat dans la gouvernance du nucléaire au niveau mondial, européen et français. Au niveau international, les 77 pays membres de l'AIEA (Agence internationale pour l'énergie atomique) voulaient renforcer les dispositions de la Convention sur la sûreté nucléaire issue de l'accident de Tchernobyl. Mais le 9 février dernier, à Vienne, le texte finalement adopté (voir le document joint) “n'est pas à la hauteur des enjeux”, selon les propres dires de l'ASN (autorité de sûreté nucléaire française). Il s'agit en effet surtout d'une déclaration de “bonnes intentions” entérinant les grands principes déjà préexistants. Toutes les mesures proposées par la Suisse ou l'Europe pour mettre en place des dispositions contraignantes, et nécessitant donc des investissements, ont finalement été recalées – principalement par les États-Unis et la Russie.

Une Europe nucléaire qui se veut sûre

Après cet échec à Vienne, l'ASN craint l'installation d'une sûreté nucléaire à deux vitesses : celle d'une Europe exigeante et cette du reste du monde. Après Fukushima, l'Europe a en effet travaillé à renforcer ses systèmes de contrôle et de sécurité dans le nucléaire. "L’Europe, sur ce sujet-là, fait la marche en avant par rapport au reste du monde", estime Pierre-Franck Chevet, président de l'ASN. Tout d'abord par une grande série de tests de résistance des installations (voir notre article) et les plans d'actions nationaux qui en ont découlé et ensuite par une révision de sa directive sur la sûreté nucléaire adoptée en juillet 2014 (voir notre brève).

"Un accident ne doit pas avoir des conséquences à long terme"

Même si certains ont déploré un allègement du texte par rapport à la version initiale, rappelons que cette directive impose une réévaluation de la sûreté de chaque installation nucléaire au moins tous les 10 ans – déjà en vigueur en France –, instaure pour tous les États membres des "autoévaluations périodiques de leur cadre national et de leurs autorités de réglementation" couplées à un examen international par leurs pairs – l'ASN s'y est soumis en novembre dernier (voir notre brève) –, prévoit des revues thématiques communes tous les 6 ans, "sur la base des retours d'information en matière d'expérience d'exploitation, des incidents et des accidents, ainsi que des évolutions technologiques et scientifiques". Le président de l'ASN se félicite de ces "avancées". Pour lui, la nouvelle directive "explicite notamment le fait – c'était une évidence pour nous suite à l'accident de Fukushima, mais ce n'est pas partagé au niveau international – qu'un accident ne doit pas avoir des conséquences à long terme aussi importantes que Fukushima. Une exigence qui s'applique désormais aux nouveaux réacteurs, mais aussi, autant qu'il est raisonnablement possible – aux réacteurs existants".

Mise à jour du plan d'action national

Le 2 mars, l'ASN a publié une mise à jour du plan d'action national (voir le document joint) décidé après les tests de résistance de 2012. Ce bilan deux ans après est plutôt positif puisque les principales mesures ont été mises en oeuvre. Ainsi l'ASN note qu'EDF a respecté l'ensemble des échéances réglementaires prévues au 31 décembre 2014, que le déploiement de la “force d'action rapide nucléaire” (Farn) – constituée d'équipes spécialisées pouvant intervenir sur un site accidenté – est opérationnel depuis fin 2014 et que la mise en place de dispositions pour pallier des défaillances critiques, le renforcement de la tenue aux séismes ou aux inondations sont bien avancées et devraient être achevées fin 2015. Enfin, la réflexion sur les facteurs sociaux, organisationnels et humains via un un groupe de travail pluraliste (le COFSOH) se poursuit après 6 réunions qui se sont déjà tenues depuis 2012. Le bilan de ce plan, comme ceux des autres pays concernés, sera soumis aux homologues européens lors d'un séminaire organisé par l'ENSREG (groupement européen des autorités de sûreté nucléaire) fin juin 2015.

Gestion transfrontalière

Au niveau européen, la collaboration aussi tend à s'améliorer. Ainsi, fin 2014, les associations Herca (autorités de radioprotection européennes) et Wenra (autorités de sûreté de l'Europe de l'Ouest) ont-t-elles adopté une position commune (voir le document joint) relative à la gestion des situations d'urgence et à la coordination transfrontalière. Deux principes constituent le squelette de cette approche : d'une part, lors des premières phases après un accident, des échanges rapides d'information permettant aux pays concernés d'adopter des mesures identiques pour toutes les populations et d'autre part, l'adoption de schémas simplifiés de mise en œuvre des protections quand les informations ne permettent pas d'ajuster les mesures à la situation.

"Réfléchir activement"

Concrètement, explique Pierre-Franck Chevet, "en cas d'accident, on s'aligne sur les mesures prises par le pays concerné, notamment dans les toutes premières heures, où les principales informations sont celles du pays concerné. Ensuite chacun développe une capacité d'analyse et d'information, et peut imaginer d'avoir des diagnostics différents". Reconnaissant qu'il y a en Europe "encore des cas résiduels où l'on pourrait avoir des conséquences de type Fukushima", il indique que les autorités européennes ont décidé de "réfléchir activement à ce genre de situation", "où l'on n'aurait pas toutes les informations". "Il ne s'agit pas d'avoir un plan complet, détaillé, pré-positionné, mais d'avoir suffisamment réfléchi en amont."

Documents joints

 

 

 

Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.

Les derniers produits des risques professionnels