Nanomatériaux : la prévention s'impose

Un dossier de l'INRS.

La révolution nanotechnologique est en marche. Les nanomatériaux ont quitté les laboratoires de recherche et entrent à présent dans la composition de biens de consommation aussi courants que des cosmétiques, des vêtements, des équipements sportifs, ou des pneumatiques… Malgré des lacunes dans les connaissances sur les risques liés à la fabrication et à l'utilisation de ces nouveaux produits chimiques, des mesures concrètes de prévention permettent de limiter les expositions professionnelles. Les explications de Myriam Ricaud, ingénieur chimiste à l'INRS.

Le développement des nanotechnologies suscite autant d'espoirs que de craintes. Que connaît-on aujourd'hui des risques liés à ces nouvelles technologies ?

Les nanotechnologies ont véritablement révolutionné certains secteurs industriels. On sait aujourd'hui synthétiser des objets 50 000 fois plus petits que l'épaisseur d'un cheveu et présentant des propriétés nouvelles. Des applications novatrices apparaissent à un rythme élevé : bétons autonettoyants, peintures anti-rayures, pneumatiques pratiquement inusables, vêtements antibactériens... Mais ce « miracle » technologique ne doit pas occulter les risques potentiels pour la santé, notamment pour les travailleurs qui fabriquent ou utilisent des nanomatériaux. De nombreuses interrogations subsistent encore quant à la dangerosité des nano-objets. Les données toxicologiques sont très parcellaires, parfois même contradictoires, mais elles incitent à la prudence. Pour autant, l'incertitude scientifique n'empêche pas la prévention d'avancer. Il existe aujourd'hui des moyens efficaces pour limiter l'exposition des salariés.

Quelles sont justement les grandes lignes de la démarche de prévention ?

Compte tenu des connaissances encore limitées, la prévention repose avant tout sur une évaluation qualitative des risques. Quels sont les produits manipulés ? Quelles sont leurs propriétés physico-chimiques et leur toxicité ? Sous quelles formes sont-ils utilisés ? Quelles sont les opérations effectuées ?... Ce questionnement, indispensable, doit guider l'entreprise pour la mise en place de mesures de prévention adaptées. Ces mesures sont analogues à celles recommandées pour tous les produits chimiques dangereux : substitution des produits lorsque cela est possible, confinement des processus de manipulation, captage des polluants à la source (sorbonnes ou boîtes à gants dans les laboratoires, etc.), délimitation et signalement des zones présentant un risque d'exposition, information et formation des salariés... Le port d'équipements de protection individuelle est également préconisé (appareil de protection respiratoire, combinaison jetable, gants étanches, lunettes). Des études menées par l'INRS ont récemment confirmé que les filtres équipant les appareils de protection respiratoire constituent une barrière efficace vis-à-vis des nano-objets d'une taille supérieure à 3 nanomètres.

L'INRS s'est fortement investi sur cette problématique. Quels sont les projets en cours au sein de l'Institut ?

Depuis 2003, la problématique « nano » figure parmi les priorités de l'INRS. Une équipe pluridisciplinaire composée de chimistes, de physiciens, d'épidémiologistes, de médecins et de sociologues est mobilisée dans le cadre d'un programme de grande ampleur mis en oeuvre par l'Institut. Il s'articule autour de 3 axes : l'évaluation des effets sur la santé, la caractérisation des expositions professionnelles et la prévention des risques. Certaines actions sont menées en collaboration avec des organismes en France (IRSN, CNRS, InVS, etc.) et à l'étranger. Un laboratoire dédié est actuellement en cours de construction. Il devrait être achevé d'ici 2012. Pour l'INRS, il s'agit d'améliorer les connaissances scientifiques et techniques sur les risques mais aussi d'élaborer et de diffuser des recommandations concrètes en termes de prévention. L'institut propose également des formations spécifiques consacrées à la prévention du risque « nano ». L'INRS s'efforce enfin de favoriser les échanges sur ces thématiques. L'Institut organise notamment en avril 2011 une conférence scientifique qui réunira à Nancy les spécialistes mondiaux des risques liés aux nanomatériaux.

Conférence INRS Nano 2011

Proposer un état des lieux des connaissances actuelles sur les nanotechnologies. Telle est l'ambition de la conférence scientifique qui se tiendra à Nancy du 5 au 7 avril 2011. La manifestation, organisée en partenariat avec le réseau européen Perosh (Partnership for European Research in Occupational Safety and Health) réunira chercheurs, experts, préventeurs et médecins autour de nombreux thèmes : toxicologie, métrologie, équipements de protection, perception des risques... Cette manifestation sera la première d'un cycle de conférences scientifiques organisées par l'INRS. Un appel à communication a été lancé. La date limite de soumission des résumés est fixée au 15 novembre 2010. Plus d'informations.

Pour aller plus loin :

Auteur : INRS

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