Le marché européen des quotas de CO2 de nouveau secoué par un scandale

Preuve que le marché européen du carbone fonctionne: il attire les margoulins! Quelques mois après la découverte de fraude massive sur la TVA des quotas européens de gaz à effet de serre, le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) est secoué d’un nouveau séisme financier.

La semaine passée, le gouvernement hongrois a mandaté un courtier hongrois (Hungarian Energy Power Kft), qui a lui-même utilisé les services d’un intermédiaire (Microdyne Ltd) pour vendre 1,7 million d’unités de réduction certifiées d’émissions (Urce, l’unité de compte du MDP). A charge pour cette dernière banque de les céder sur le marché international, via un autre intermédiaire, originaire de Hong Kong, celui-là.

Budapest assure avoir indiqué à son premier intermédiaire que les crédits étaient d’anciens quotas ETS hongrois «convertis» en Urce, donc cessibles uniquement sur le marché international et interdits à la vente dans l’Union européenne. En effet, un «recyclage» sur le marché européen du carbone équivaut à émettre de nouveaux crédits ETS, ce qui aux yeux de la Commission européenne revient à émettre de la fausse monnaie carbone. Hélas, une part non négligeable de ces Urce (probablement 800.000) se sont retrouvés, quelques jours après leur cession par Budapest, sur BlueNext, la plate-forme parisienne de négociation au comptant de crédits carbone. Cette découverte a provoqué une mini-tempête boursière. Avec sa concurrente scandinave NordPool, BlueNext a stoppé les transactions portant sur les Urce entre les 17 et 22 mars, le temps d’identifier les crédits douteux. Une chasse aidée par le gouvernement hongrois qui a indiqué, le 17 mars, avoir donné aux autorités compétentes toutes les informations nécessaires pour retrouver les permis frauduleux. De son côté, la Commission européenne a suspendu jusqu’au 1er mai les procédures de conversion de quotas ETS en Urce.

Quelles conclusions tirer de cette nouvelle affaire secouant la finance carbone? D’une part, que les législateurs européens ont mal fait leur travail. En ne précisant pas suffisamment les règles de contrôle du marché européen du carbone, ils ont laissé la porte ouverte aux aigrefins. L’an passé, quelques fraudeurs à la TVA ont réalisé jusqu’à 5 milliards de profits indus, selon les calculs d’Europol. Cette fois-ci, ce sont des intermédiaires qui «oublient» de préciser la nature des quotas qu’ils vendent. Autre remarque: en 2009, les entreprises européennes se sont débarrassées de leurs quotas ETS. En réduisant leur activité, la crise les a poussées à moins émettre. Elles ont pu réaliser quelques profits en revendant leur surplus de permis. Rien d’illégal. Ce qui est nouveau, c’est que l’on voit arriver les Etats sur ces marchés. Après avoir massivement soutenu leurs entreprises à coup de subventions, d’aides publiques et de garanties financières, les capitales doivent se refaire une santé financière. Elles vendent donc leurs actifs carbone, sans être trop regardantes. C’est ce qui s’est passé, la semaine passée, avec la Hongrie. C’est ce qui pourrait se passer, prochainement, avec d’autres pays, comme la Lituanie.

Auteur : Vaméry Laramée de Tannenberg, JDLE

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