Procès AZF : la présence de Total complique la donne

Classé dans la catégorie : Général

Emoi général et incompréhension juridique au procès AZF. Total et son ancien PDG Thierry Desmaret ont finalement été cités à comparaitre, le 26 février 2009. L’instruction n’avait pas inclus le groupe pétrolier dans les prévenus. La cour qui siège à Toulouse en a décidé autrement. Au-delà de ce statut de « prévenu provisoire », cette situation peut ouvrir la porte à une jurisprudence sur la mise en cause des maisons mères dans les dégâts provoqués par leurs filiales.

« Le fait d'indemniser les victimes ne vaut pas reconnaissance de responsabilité de la part de Total dans l'origine de l'explosion. » La position officielle du groupe sur la catastrophe de Toulouse, qui a détruit l’usine de sa filiale AZF le 21 septembre 2001, est toujours en ligne sur le site officiel qu’il consacre au procès. Elle laisse supposer ce que va être la ligne de défense de Total qui, trois jours après le début du procès censé identifier les causes de l’explosion, s’est finalement trouvé dans le rôle « insolite de prévenu provisoire ». Le juge d’instruction l’avait écarté ce qui constituait un « non-lieu implicite » d’après les avocats du groupe. Or, certaines victimes et leurs associations ne l’entendaient pas ainsi. Ils souhaitent que le procès AZF soit celui des conditions de sécurité et de l’organisation du travail sur des sites classés Seveso 2, ainsi que du recours à la sous-traitance. Ce qui suppose pour eux que la maison mère du groupe chimique exploitant l’usine soit partie prenante des débats. Une citation à comparaître de 350 pages a donc été déposée, destinée à ramener Total à la barre d’un procès où les prévenus sont la société Grande Paroisse à qui appartenait l’usine AZF et son ancien directeur Serge Biechlin. Les magistrats l’ont retenue et ont estimé que non seulement Total mais aussi Thierry Desmaret son ancien dirigeant, devaient participer au procès en tant que prévenus. Il pèse malgré tout une menace d’irrecevabilité sur cette procédure, brandie par le procureur et les avocats de Total. Elle sera examinée en même temps que le verdict qui devrait être prononcé en novembre.

Jurisprudence

« J’aurais préféré deux procès distincts » explique maître Casero, une des avocates « historiques » des victimes. « Nous avons deux risques aujourd’hui. Le premier c’est que Total soit montré du doigt, ce qui pourrait occulter le rôle de la société Grande Paroisse. Le second c’est que, si nous obtenons un verdict clair et que ce procès permette d’établir les circonstances et les causes de cet accident industriel, le verdict soit entaché, voire invalidé par les problèmes de procédure liés à cette affaire de citation.» Elle n’oublie pas qu’un scénario plus optimiste pour les victimes qu’elle défend pourrait se produire, qui aboutirait à la mise en cause de la chaîne de responsabilité dans l’organisation du travail au sein du groupe Total .« Dans ce cas le procès ferait bouger les lignes en créant une jurisprudence mettant en cause la maison mère. On verra… »

En attendant , le groupe Total a sobrement annoncé que « Thierry Desmarest avait indiqué, dès le début des audiences, au Président du Tribunal qu’il était, bien entendu, prêt à venir témoigner » et que « dès le premier jour de la catastrophe, il a eu à cœur que soient mis à la disposition de Grande Paroisse tous les moyens de venir immédiatement en aide aux victimes et de les indemniser des préjudices et dommages subis. ».

Le groupe Total a effectivement d’ores et déjà versé 2 milliards d’euros et ouvert 93 000 dossiers d’indemnisation depuis la catastrophe. Il dissocie ces règlements à l’amiable de la bataille juridique qu’il mène pour se dédouaner de sa responsabilité juridique. Cette stratégie peut se rapprocher de celle adoptée dans le procès du naufrage de l’Erika (voir article lié). Elle ne l’aide apparemment pas à reconquérir l’estime des Français car le procès médiatique a lui déjà eu lieu : 55 % des Français ont une mauvaise image de Total et il occupe l’avant-dernière place du classement des 30 grandes entreprises nationales les plus aimées dans le baromètre Posternak-Margerit publié en février 2009, juste devant la Société Générale ! En 2008, le procès Erika n’a pas vraiment contribué à restaurer son image. Quel rôle jouera celui d’AZF ? Il faudra sans doute attendre le troisième mois des audiences où devrait être examiné le rôle du groupe pétrolier pour le deviner.

Auteur : A.C. Husson-Traoré, Novethic

Les derniers produits des risques professionnels