Les masques protègent-ils bien des bioaérosols ?

Les masques de protection respiratoire protègent-ils bien des virus ? Peut-on réinfecter quelqu'un en éternuant dans un masque souillé ? Remet-on des agents infectieux en suspension en les manipulant ? Autant de questions pour lesquelles, Isabelle Balty de l'INRS fait un point des dernières études dans un document paru dans la revue Hygiène et sécurité au travail.

Les situations d'exposition professionnelle à des bioaérosols sont assez diverses. Il peut s'agir de professions de santé bien sûr, comme les dentistes (voir cet article), des métiers de l'assainissement et des déchets, de l'agriculture et l'agroalimentaire ou de n'importe quelle industrie ou activité à risque de légionelles... Dans bien des cas, les mesures de protection collective restent insuffisantes, aussi, la prévention des risques impose-t-elle le port des protection respiratoire individuelle.

Une longue histoire de test d'efficacité

Comme le souligne le document de l'INRS : "la nature de l'aérosol employé pour les tests de filtration importe moins que les caractéristiques physiques des particules". C'est ce qui ressort de 50 ans d'études sur la filtration des masques. Les premiers tests remontent en effet aux années 1960 et visaient notamment à évaluer les capacités de filtration des masques chirurgicaux - ce qui a d'ailleurs abouti récemment à les disqualifier de l'appellation de protection respiratoire. Au départ, ce sont surtout les bactéries qui ont été étudiées, révélant que la forme des bactéries qu'elles soient pathogènes ou non, le débit respiratoire, et les forces électrostatiques étaient les principaux critères déterminants. Plus récemment, les chercheurs se sont intéressés à la protection contre les virus (plus petits que les bactéries) et ont ainsi montré que l'on pouvait même créer des tests normalisés avec des aérosols de chlorure de sodium.

Les masques peuvent-ils être une source d'infection ?

Mais la question qui revient le plus c'est encore de savoir si un masque peut lui-même devenir une source d'infection, via un éternuement du porteur par exemple. Après plusieurs tests avec des masques N95 (norme américaine correspond à des filtres retenant 95% des particules d'un aérosol avec un diamètre moyen de 0,3 µm), il est apparu que les particules et micro-organismes piégés dans le masque n'étaient pas remis en suspension dans l'air (ou alors de manière insignifiante), même lors d'un éternuement. Cependant, concernant les spores (bacilles d'anthrax par exemple), la remise en suspension lors de la manipulation (chute de l'ordre d'1 mètre) à une dose infectante était possible. Il convient donc de manipuler les masques usagés avec précaution.

Les agents pathogènes peuvent-ils se développer sur les masques ?

Même si l'usage unique est la règle, le risque de pandémie et une possible pénurie de masques à donner à réfléchir sur la réutilisation des masques (et des cartouches filtrantes) et sur la possibilité de développement des micro-organismes. Les études menées actuellement, semblent montrer que pour les milieux de soins, la plupart des bactéries ne survivent pas sur les masques, pouvant faire envisager une réutilisation dans la limite des préconisations du fabricant (la capacité filtrante s'usant avec le temps). Cependant, pour d'autres utilisations (assainissement et agriculture), des filtres composés en partie de matériaux biodégradables comme la cellulose, en milieu très humide ont permis le développement de moisissures et parfois de toxines. Des mesures de prudence quant aux conditions de stockage des filtres s'imposent donc.

La décontamination de masques est-elle possible ?

Il est un peu trop tôt pour répondre complètement. Les premiers tests de scientifiques américains pour décontaminer les masques n'ont pas été très concluants. Autoclavage, chaleur sèche (160°C), isopropanol 70%, trempage à l'eau savonneuse ont détérioré les filtres. Eau de javel, chaleur sèche (80°C), oxyde d'éthylène et micro-ondes diminuent leurs performances mais les masques restent encore conformes. Les voies les plus prometteuses sont pour l'instant le peroxyde d'hydrogène vaporisé et les UV, mais les résultats sont très variables et pour l'instant il n'existe aucune méthode normalisée pour évaluer la destruction des agents pathogènes par ces voies sur des matériaux perméables à l'air.

L'efficacité des masques peut-elle être améliorée ?

Des filtres incorporant des produits biocides (résine iodée, oxyde de titane, ozone, argent-cuivre) ont commencé à apparaître, mais la preuve d'une meilleure efficacité n'a pas été prouvée. Le travail sur des filtres dont les fibres sont chargées positivement (les micro-organismes le sont négativement) semblent plus prometteurs. Ainsi, des filtres en nanofibres d'aluminium ont montré qu'ils restaient plus performants avec l'augmentation de l'humidité que leurs homologues classiques. Cependant, comme le souligne le document, il reste à évaluer l'innocuité dans le temps de ces nouveaux matériaux. Le plus important reste donc de porter correctement les masques déjà existants, par exemple en s'assurant lors de la pose de leur bonne étanchéité sur le visage (voir ici).

Documents joints : Le document de l'INRS

 

 

Auteur : Par Sophie Hoguin, actuEL-HSE

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