Les extensions originales de la notion d'accident du travail

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« Dois-je faire une déclaration d’accident du travail dans le cas où … ? » Cette question se pose de plus en plus fréquemment au sein des services Ressources Humaines.

Dans un contexte où les salariés sont mieux informés, les demandes de rédiger une déclaration d’accident du travail pour des motifs singuliers se développent auprès de leurs employeurs.

La question de la rédaction d’une déclaration d’accident du travail (DAT) ne se pose pas pour les cas habituels d’accidents du travail tels qu’une chute dans les escaliers ou une douleur au dos à la suite d’un effort. Mais certains cas originaux peuvent laisser l'employeur perplexe.Quels sont ces nouveaux types d'accidents du travail ?

Un refus de promotion

Pour illustration, le cas d’une entreprise qui a dû compléter une déclaration d’accident du travail à la demande de l’une de ses salariés, souffrant d’un choc psychologique. Cet état de stress serait la conséquence du refus de promotion exprimé par son supérieur lors d’un entretien qui par ailleurs s’est déroulé normalement. Dans un premier temps, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l’Aude a débouté la demande de reconnaissance d’accident du travail au titre du traumatisme psychologique occasionné par ce refus de promotion. Mais dans un second temps la Cour d’Appel de Montpellier, par un arrêt du 20 février 2013, a finalement donné raison à la salariée, affirmant que « l’accident dont a été victime (NDLR cet agent) devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle ». [i] Dans une affaire identique, la Cour de Cassation a également confirmé que la dépression survenue à la suite d’un entretien professionnel pouvait être considérée comme un accident du travail.[ii]

Un burn out

Dans le même ordre d’idée, le stress engendré par certaines méthodes d’évaluation des salariés comme le « ranking » (qui consiste à mettre les salariés en compétition en fonction de critères parfois sans lien avec l’aptitude professionnelle), a déjà pu faire l’objet de demandes de déclarations d’accidents du travail.[iii] Toutefois, le stress n’a pas toujours une origine professionnelle ; cela ne dispense pas les DRH de remplir une déclaration d’accident du travail dès lors que le salarié en fait la demande. En tout état de cause, rien ne s’oppose à ce que l’employeur émette des réserves lorsque la source de stress est d’ordre privé. Ainsi, le cas d’un salarié, dont la dépression résulte du fait de côtoyer quotidiennement son ex-compagne ayant refait sa vie avec un autre collègue.

Un décès hors du lieu du travail

De même, la question de l’envoi d’une DAT se pose lorsqu’un décès se produit hors du lieu de travail mais que la famille du salarié en fait la demande. La cause du décès peut sembler indubitablement privée (suicide, crise cardiaque, rupture d’anévrisme, crash d’avion etc…) mais la rédaction d’une DAT doit être réalisée dans les 48 heures de la demande. Ainsi, fin mai 2013, la commission de recours amiable de la CPAM de Dunkerque a reconnu le caractère professionnel d’un suicide d’un salarié qui s’était pendu sous un pont. En effet, des témoins ont pu confirmer que le suicide était la conséquence directe des sanctions dont il avait fait l’objet.

Une attaque de puces, un coup de soleil

Enfin, si certains cas prêtent à sourire il n’en demeure pas moins que l’employeur doit les déclarer et en supporter le coût financier. Une DAT a par exemple été rédigée au motif que le salarié aurait subi une attaque en règle par une armée de puces, lors d’un porte à porte. Drôle, certes, mais n’oublions pas que les morsures d’insectes peuvent être à l’origine de chocs anaphylactiques !

Dans la famille des DAT incongrues, le salarié travaillant en extérieur qui, pour parfaire son bronzage, décide d’ôter son tee-shirt et attrape un coup de soleil. L’employeur est dans l’obligation de déclarer cette lésion au titre de la législation sur les risques professionnels. On ne saurait conseiller aux employeurs de rappeler à leurs salariés de garder leur tee-shirt, de s’hydrater, et de se protéger du soleil ! En effet, l’employeur a, en matière de santé au travail, une obligation de sécurité résultat dont il ne peut s’exonérer.

En matière de maladie professionnelle, les motifs de déclaration originaux ne sont pas en reste. Récemment, un salarié a demandé la prise en charge de sa surdité dont l’origine serait les cris de cochons de la porcherie où il a travaillé pendant 10 ans. Il est intéressant de noter que la Caisse Primaire a fait droit à la demande du salarié et que ce dernier a assigné son employeur en faute inexcusable devant le Tribunal des Affaires de Sécurité SocialeDans la plupart de ces cas, il apparait injustifié de déclarer l’incident comme étant un accident du travail mais il reste préférable pour l’entreprise de se « protéger » en émettant systématiquement une déclaration d’accident du travail plutôt que de se voir condamner pour ne pas l’avoir faite. En effet, le contexte actuel est à l’interprétation toujours plus extensive de la notion d’obligation de sécurité de résultat incombant à l’employeur.

En cas de doute sur le caractère professionnel de l’accident, l’employeur doit alors accompagner sa DAT d’une lettre de réserves démontrant l’existence d’une potentielle cause étrangère au travail. En effet, l’envoi d’une DAT n’empêche heureusement pas l’employeur de contester le caractère professionnel de l’accident.

[i] Cour d’Appel de Montpellier 20 février 2013, n°11/06053. A noter, également que la Cour d’Appel de Versailles a pris la même décision dans un cas similaire le 1er septembre 2011. n° 10/02760
[ii] Civ.2, 01-07-2003, n°02-30576
[iii] Soc., 27 mars 2013, n°26539

Auteur : Fabienne VIEL, Juriste en droit social - ATEQUACY.

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