Projet de loi sur le dialogue social : que devient le CHSCT dans la DUP ?

Classé dans la catégorie : Institutionnels

Le projet de loi sur le dialogue social a été adopté en conseil des ministres ce 22 avril. Il revisite la délégation unique du personnel pour l'ouvrir au CHSCT dans les entreprises de moins de 300 salariés.

Si les prérogatives du comité resteraient inchangées, son fonctionnement pourrait évoluer.

Depuis sa création en décembre 1993, la délégation unique du personnel a été mise en place dans 60% des PME dotées d'IRP (instances représentatives du personnel). Conclusion : le regroupement de certaines IRP – délégués du personnel et comité d'entreprise – au sein de la DUP est "déjà une réalité pour la majorité des PME". Fort de ce constat consigné dans son étude d'impact, le projet de loi sur le dialogue social et l'emploi propose de modifier les contours de la DUP afin de l'élargir au CHSCT, ce dans les entreprises de moins de 300 salariés. Pour l'heure, la DUP n'inclut pas le comité, et n'existe que dans les entreprises de moins de 200 salariés. Avec le projet de loi, elle pourrait aussi, sur accord majoritaire, inclure le CHSCT dans les entreprises de plus de 300 salariés. Cette instance, qui concernerait dès lors 3 000 entreprises de plus qu'aujourd'hui, est au cœur du projet de "loi Rebsamen", adopté ce mercredi 22 avril en conseil des ministres. Elle inquiète aussi les organisations syndicales, mais le ministre l'a répété : la DUP "n’est pas l’instance unique que voulait le patronat" (voir notre article). En son sein, le CHSCT au même titre que les autres organes représentatifs de la DUP devrait donc conserver ses prérogatives et moyens, y compris celui d'agir en justice (voir notre brève). Que ce soit en son nom ou au nom de la DUP.

Dans les entreprises de - 300 salariés

C'est à l'article 8 du texte que la "nouvelle" DUP fait son apparition. Afin de la mettre en place dans une entreprise comptant entre 50 et 299 salariés, l'employeur serait au préalable tenu de consulter les IRP susceptibles d'y siéger : les DP, le CE et/ou, nouveauté donc, le CHSCT. La constitution de l'instance pourrait se faire à l'occasion de la mise en place ou du renouvellement de l'une de ces trois instances. Les mandats des DP, des membres du CE ou du CHSCT seraient alors, le cas échéant "prorogés ou réduits dans la limite de deux années de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la DUP". Si plusieurs établissements coexistent au sein de l'entreprise, alors une DUP serait mise en place au sein de chacun d'entre eux. Le projet de loi précise que le nombre de représentants siégeant au sein de la DUP sera fixé par décret en Conseil d'État. Néanmoins, selon l'étude d'impact du texte, il pourrait varier de 5 titulaires et 5 suppléants dans les plus petites entreprises (50-74 salariés) à 12 titulaires et 12 suppléants (250-299 salariés). Il faut noter aussi qu'un accord employeurs/organisations syndicales pourrait permettre d'augmenter le nombre de représentants du personnel constituant la DUP.

Réunions, ordre du jour et expertise

Dans cette DUP revisitée, les DP, le CE et le CHSCT conserveraient l'ensemble de leurs attributions. Idem pour "leurs règles de fonctionnement respectives", mais non sans plusieurs "évolutions". La DUP se réunirait en effet six fois par an au lieu de douze, et au moins quatre de ces six réunions porteraient en tout ou partie sur des sujets relevant des attributions du CHSCT. Le tout sous l'égide du secrétaire de la DUP, également secrétaire du CHSCT. Celui-ci devrait établir l'ordre du jour des réunions avec l'employeur. Si il y figure une question concernant à la fois les attributions du CE et du CHSCT, un avis unique de la délégation du personnel serait alors recueilli au titre des deux organes, sous réserve que les membres extérieurs du CHSCT aient été conviés. Quant à l'expertise, si elle porte sur des sujets traités à la fois par le CE et le CHSCT, elle serait elle aussi commune aux deux instances. Un décret en Conseil d'État devrait détailler davantage les modalités de recours à cette expertise. Idem pour les plafonds d'heures de délégation attribués aux personnes siégeant au sein de la DUP. Toutefois, là encore, l'étude d'impact donne un aperçu de ces plafonds, qui iraient de 13 h mensuelles par titulaires (50 à 74 salariés) à 19 h mensuelles (175-299 salariés). Le projet de loi précise également qu'un "accord de branche ou d'entreprise peut comporter des dispositions favorables" et propose "une avancée par rapport au régime actuel de la DUP", à savoir le partage entre titulaires et suppléants du crédit d'heures de délégation mensuel. S'il souhaite supprimer la DUP, l'employeur serait obligé de recueillir d'abord l'avis de ses membres ; il pourrait ensuite décider de ne pas la renouveler à l'échéance de leurs mandats. Il devrait alors procéder "sans délai" à l'organisation de l'élection des DP, des membres du CE, et désigner les membres du CHSCT.

Dans les entreprises de 300 salariés et +

Au sein d'une entreprise de plus de 300 salariés, la constitution d'une telle DUP serait également possible, avance le projet de loi en son article 9. Mais à la condition qu'un accord en ce sens soit signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages au premier tour des élections du CE. L'accord en question fixerait un certain nombre d'éléments. À commencer par la prorogation ou la réduction des mandats des membres des IRP qui doivent être regroupés dans la délégation unique, "de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la DUP ". Le texte pourrait également décider du nombre de représentants (titulaires et suppléants) au sein de l'instance, du nombre d'heures de délégation qui leur serait attribué, du nombre minimal de réunions de l'instance par an, des modalités selon lesquelles l'ordre du jour serait établi ou bien encore du rôle des membres au sein de l'instance et du nombre de jours de formation qui leur serait nécessaire... À condition de respecter les minimas fixés par les futurs décrets d'application pris en Conseil d'État.

Une commission CHSCT

D'autre part, si au sein d'une entreprise de plus de 300 personnes la DUP inclut le CHSCT, alors l'accord évoqué plus haut doit prévoir la création, la composition et le fonctionnement d'une commission d'hygiène, sécurité et conditions de travail. Tout ou partie des attributions reconnues au CHSCT pourraient lui être confiées. Là encore, le nombre minimal de réunions abordant les thématiques propres au CHSCT serait de 4 par an, davantage si l'accord le prévoit. En revanche, là où les entreprises de plus petite taille doivent se coordonner, celles de plus de 300 salariés ont la possibilité de ne pas mettre en place de la même manière les DUP au sein de leurs établissements distincts. Chacun de ces établissements aurait en fait son propre accord, et la mettrait en œuvre selon ses modalités propres.

Et dans les plus petites entreprises ?

Parallèlement à ce dispositif de DUP, qui concerne les entreprises de plus de 50 salariés, le projet de loi ambitionne d'assurer une représentation à tous les travailleurs, y compris ceux qui travaillent dans des TPE de moins de 11 personnes. Sur le modèle de ce qui a été mis en place pour les artisans depuis plusieurs années déjà, il propose d'instaurer des commissions paritaires régionales (voir notre article). Ces entités – où siégeront 20 membres, salariés et employeurs – seraient chargées d'"apporter des informations, débattre et rendre tout avis utile sur les questions spécifiques aux salariés et employeurs issus des TPE, notamment en matière de conditions de travail et de santé au travail", est-il précisé à l’article 1 du texte. Elles n'auraient en revanche pas accès aux locaux des entreprises. Par ailleurs, partant du constat que parmi les entreprises de 60 à 90 employés, une sur six n'a pas une seule IRP, le projet de "loi Rebsamen" rappelle en son article 11 le droit du salarié à être couvert par un CHSCT dès lors que son entreprise emploie plus de 50 personnes. Les modalités de fonctionnement du comité sont à cette occasion re-précisées, et la durée du mandat des élus CHSCT est alignée sur celle du mandat des élus CE.

Prochaine étape le 19 mai

Plusieurs questions restent en suspens, tel le financement des expertises communes au CE et au CHSCT. Alors que la procédure accélérée a été enclenchée pour l'examen du texte, certains syndicats ont indiqué mi-avril s'inquiéter du contenu des décrets d’application du texte, qui sont nombreux (voir notre article). À quelques heures de l'adoption du texte en conseil des ministres, Jean-Claude Mailly, secrétaire générale de Force ouvrière, déclarait attendre "plus de garanties" sur le réel maintien des CHSCT. De son côté la CGT a estimé que le projet de loi "malmène" les conditions de travail et la prévention des risques professionnels puisque "le CHSCT voit ses capacités d’intervention sur ces sujets affaiblies". La CFE-CGC s’est prononcée contre le texte, tandis que le Medef l'a trouvé "incomplet et déséquilibré". Il sera examiné par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale les 19 et 20 mai 2015, puis en séance publique la semaine suivante. Le vote solennel est prévu, selon le ministre du Travail, le 2 juin.

Des négociations anuelles et informations-consultations plus "stratégiques" ?

Parce qu'il s'agit de "rendre le dialogue social plus vivant, plus stratégique, moins formel" selon François Rebsamen, le projet de loi prévoit une refonte des obligations d’information et de consultation du comité d’entreprise (voir notre article). Elles passeraient de 17 à 3 par an. L'une d'entre elles porterait sur les conditions de travail. La qualité de vie au travail ferait quant à elle l'objet d'une des négociations annuelles obligatoires prévues par le texte. Il compte, là encore, les regrouper en 3 "blocs", alors qu'on en dénombre 12 actuellement. Ce regroupement était réclamé par plusieurs syndicats.

 

 

 

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