Protections incendie passives : "le diable est dans les détails"

Peintures intumescentes mal appliquées, portes coupe-feu absentes du POI ou joints réalisés avec des mousses soi-disant anti-feu : les protections incendie passives sont souvent sous-estimées et donc mal entretenues. C'est là tout le problème : d'après les spécialistes, en prendre soin, "c'est 90% des résultats".

8 mars 2012. Un incendie ravage deux étages d'un parking de la place Vendôme, à Paris. 55 voitures brûlent. Le 14 mai de la même année, à Roubaix, un départ de feu au premier étage d'un immeuble se propage à toute la façade du bâtiment : on compte un mort et sept intoxiqués. 24 septembre 2012, à Orly, plusieurs entrepôts s'enflamment dans une zone industrielle. Personne n'est blessé mais il y a 4 000 m² de matériaux bons à jeter et dix jours de travail pour les pompiers. Dans ces cas d'incendies plutôt spectaculaires, les protections incendie passives ont, pour la plupart, joué leur rôle – par protections incendie passives, entendez tous les équipements, techniques et mesures mis en œuvre pour limiter les effets d'un incendie.

"On les installe, et puis on les oublie"

Place Vendôme par exemple, la ventilation, les portes coupe-feu et le compartimentage ont de fait empêché une plus grande propagation du feu. Mais ce n'était pas là les seules protections incendies passives mises en place lors de la construction du parc de stationnement. Les extracteurs, par exemple, n'ont pas servi, pas plus que les Sas de sécurité dont les portes étaient restées ouvertes. C'est d'ailleurs bien tout le problème avec ce type d'équipement, souligne Christophe Gosselin, directeur d'Afinege (Association francilienne des industries pour l'étude et la gestion de l'environnement et de la sécurité), qui organisait un séminaire sur le sujet ce mercredi : "Ils font partie de la vie des bâtiments, on les installe, et puis… On les oublie."

"On ignore comment certains matériaux évoluent"

En réalité, d'autres facteurs rentrent en ligne de compte. La bonne réaction et résistance au feu du matériau avec lequel est fabriqué l'équipement ne fait ainsi pas tout. "On ignore comment ces matériaux évoluent avec le temps", explique Mélanie Lievin, d'Efectis, entreprise experte en sécurité incendie. "Certains sont traités avec des retardateurs chimiques. Ils peuvent résister une heure au feu, mais après vingt ans…". D'autres ne tiennent pas même une heure, comme la pseudo "mousse anti-feu" utilisée pour les flocages (en réalité, mousse polyuréthane) que Mélanie Lievin pointe du doigt : "Ses capacités de résistance au feu n'ont jamais été prouvées". Mais elle est moins chère que d'autre produits, eux, adaptés et testés.

Les portes coupe-feu absentes des POI

Autre problème récurrent : la "mise en œuvre" des protections incendie passive. D'après Pascal Van Hulle, d'Efectis France, "C'est du détail, mais c'est 90% des résultats. Le diable est dans les détails". Exemple avec une peinture intumescente : "Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas parce qu'on en met dix couches que ça marche. Au contraire, il y a un nombre de couches et un temps de séchage précis à respecter, sans quoi la peinture n'aura pas l'effet escompté." "Souvent, quand je fais des visites d'entreprises", signale par ailleurs Christophe Gosselin, "les portes coupe-feu ne figurent pas sur les POI" (plans d'opération interne). Un geste "qui peut faire gagner du temps aux pompiers sur place" selon le major Francis Debiasi, des sapeurs pompiers de Paris.

Intégrer l'inspection des ouvrages au management

Avant que d'en arriver à faire réaliser des diagnostics thermiques sur tel ou tel équipement - ce qui ne suffit pas toujours -, "intégrer l'inspection des ouvrages au management", et faire connaître le bon mode d'emploi du matériel permettrait déjà accroître les performances des protections passives. Pour preuve, cet exemple de Pascal Van Hulle : "Un joint bien réalisé peut faire passer le temps de réaction au feu d'une protection incendie passive de 30 minutes à deux heures." De leur côté, les pompiers recommandent par exemple de privilégier les sprinklers, tandis que les spécialistes de la sécurité incendie comme Pascal Van Hulle ou Mélanie Lievin préconisent tout simplement une observation stricte des règles de base.

 

 

Auteur : Par Claire Branchereau, actuEL-HSE.

 

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