Compte pénibilité : les interrogations des entreprises

Classé dans la catégorie : Général

Coût des cotisations, sécurité juridique face à l'obligation de résultat, articulation avec les actions déjà engagées comme les accords pénibilité… Les entreprises s'interrogent sur les conséquences et la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Et ce alors que l'on attend la décision du Conseil constitutionnel sur la loi portant réforme des retraites.

En créant le compte personnel de prévention de la pénibilité (voir notre article), le gouvernement veut inciter les entreprises à réduire au maximum l'exposition des salariés à des situations de pénibilité. Mais certaines activités resteront toujours pénibles, préviennent plusieurs dirigeants à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu mercredi à Paris, organisé par le cabinet Technologia et l'ANDRH (association nationale des DRH). Christian Ploton, DRH France de Renault, explique ainsi que la suppression du travail de nuit ou du travail en équipes successives alternantes n'est pas possible chez le constructeur automobile pour des raisons commerciales et de compétitivité. "70 % de nos collaborateurs sont exposés à la pénibilité du fait de notre activité. Il sera difficile voire impossible de supprimer la pénibilité, nous ne pourrons agir que sur l'amélioration des conditions de travail", ajoute Vincent Desjonquères, directeur support et RH de Saverglass.

Nouvelle loi et actions déjà engagées

L'an dernier, le verrier a signé des accords pénibilité avec ses différentes unités de production en France, pour trois ans : quelle sera l'incidence de la nouvelle loi sur les actions déjà engagées ? Depuis la loi du 9 novembre 2010 (voir notre article), des actions ont été menées par les entreprises, qui ont signé des accords ou plans d'action pour prévenir la pénibilité. Jean-Christophe Sciberras, DRH du groupe Solvay et président de l'ANDRH, s'interroge sur l'articulation entre les seuils mis en place dans les entreprises et les nouveaux seuils d'exposition qui seront définis par décret. "Après la promulgation de la loi, les décrets nécessaires à son application vont devoir intervenir rapidement", souligne-t-il. "Les entreprises devront s'organiser pour se préparer au nouveau dispositif. Si elles doivent développer ou modifier un logiciel, six mois au moins seront nécessaires". Faroudja Kicher, directrice du développement social de Sita France, spécialisée dans la gestion globale des déchets, se demande notamment comment seront calculés les points pour les salariés polyvalents ; la loi ne les mentionne pas.

Où en est la loi ?

À partir du 1er janvier 2015, selon la loi portant réforme des retraites, tous les salariés affectés par un ou plusieurs des dix facteurs de pénibilité bénéficieront d'un compte personnel de prévention de la pénibilité.

Rappelons que la loi adoptée par l'Assemblée le 18 décembre n'a pas encore été promulguée, car elle fait l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel.

Quel impact financier pour les entreprises ?

"Il est impossible aujourd'hui de mesurer l'impact financier réel des cotisations pour les entreprises", déplore Christian Ploton. "Pour Renault, compte tenu de notre effectif, il pourrait être de 5 à 10 milliards par an". Le compte pénibilité sera en effet financé par une cotisation payée par toutes les entreprises, et une autre, additionnelle, payée par les entreprises qui ont au moins un salarié exposé à la pénibilité. Jean-Christophe Sciberras estime que les prévisions de coût sont pour l'instant très incertaines. "Ces cotisations devraient rapporter 2 milliards d'euros à terme, mais le dispositif va monter en charge progressivement, il serait donc logique qu'il en soit de même pour les cotisations des entreprises", analyse-t-il.

Sécurité juridique

Les entreprises sont aussi préoccupées par les conséquences juridiques du compte pénibilité. Christian Ploton juge que "les salariés ou les organisations syndicales auront toute faculté pour reprocher à l'entreprise de soumettre ses salariés à la pénibilité alors qu'elle a une obligation de sécurité de résultat".

 

 

Auteur : Par Eleonore Barriot, actuEL-HSE.

 

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