La réforme des services de santé au travail est définitivement adoptée

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Vendredi, les sénateurs ont définitivement adopté la proposition de loi sur les services de santé au travail. Rappel des différentes dispositions du texte.

C'est la fin d'un long épilogue. Souvenez-vous. La réforme des services de santé au travail figurait dans la réforme des retraites. Or ces dispositions avaient en bloc été censurées par le Conseil constitutionnel. La proposition de loi qui a été adoptée définitivement vendredi par les sénateurs reprend intégralement ces dispositions. Le ministre du travail, qui a aussitôt réagi à ce vote a tenu à préciser que "dès la rentrée, une concertation serait engagée avec les partenaires sociaux et toutes les parties prenantes pour assurer la parution des textes réglementaires avant la fin 2011."

Rôle des services de santé au travail

La loi assigne quatre missions aux services de santé :

  • Conduire les actions de santé au travail, pour préserver la santé physique et mentale des salariés ;
  • Conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels, d'améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l'emploi des travailleurs ;
  • Assurer la surveillance de l'état de santé des travailleurs ;
  • Participer au suivi et contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.
Des missions explicitement définies

Pour la première fois, les missions des services de santé au travail sont explicitement définies. On y voit ainsi apparaître la prévention de la consommation d'alcool et de drogues sur le lieu de travail et la prévention de la désinsertion professionnelle qui sont de nouvelles prérogatives.

Composition de l'équipe pluridisciplinaire

Pour piloter ces actions, les services s'appuient sur une équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmier, intervenants en prévention des risques professionnels - IPRP) coordonnée par le médecin du travail. En outre, cette équipe peut être complétée par des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. De plus, les services de santé au travail doivent posséder un service social du travail ou alors coordonner leurs actions avec les services sociaux du travail existants quand ils sont obligatoires (entreprises de plus de 250 salariés). Un décret viendra préciser les modalités d'action des personnels qui concourent aux services.

Introduction de l'équipe pluridisciplinaire

Même si le médecin du travail garde une place prépondérante en restant l'animateur et le coordonnateur de cette équipe, la pluridisciplinarité est renforcée car elle est désormais inscrite dans le marbre de la loi. En effet, seule une notion de travail en commun sous une forme pluridisciplinaire était introduite dans la loi de 2002 qui transformait les services de médecine du travail en services de santé au travail. L'introduction de la notion d'équipe pluridisciplinaire dépendait pour l'instant d'une circulaire datant de 2004.

Organisation du travail des services

La définition des actions prioritaires des services de santé se fait dans le respect des orientations décidées au niveau national et régional et en fonction de réalités locales. Ces actions forment un projet de service pluriannuel qui fait l'objet de contrat pluriannuel d'objectif conclut entre le service, d'une part, l'autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d'autre part. Organisations d'employeurs, syndicats représentatifs et ARS (agences régionales de santé) donnent leur avis sur ce contrat. Un décret viendra préciser les modalités pratiques de ces contrats. Le projet de service pluriannuel est élaboré à partir des propositions faites par la commission médico-technique du service. Les médecins et autres intervenants ont donc leur place dans l'organisation de leur travail.

Une gouvernance paritaire

Cela a été un point dur à négocier au cours de l'élaboration de la réforme. Les avis étant très partagés selon les différents acteurs. Finalement, les services de santé seront administrés paritairement (par des représentants des employeurs et des salariés). Ils seront présidés par un représentant des employeurs ; en revanche, leur trésorier sera un représentant des salariés. L'organisation et la gestion du service de santé au travail seront placées sous la surveillance soit d'un comité interentreprises constitué par les comités d'entreprise intéressés ; soit d'une commission de contrôle composée pour un tiers de représentants des employeurs et pour deux tiers de représentants des salariés. Son président est élu parmi les représentants des salariés.

Missions du médecin du travail

Ses missions actuelles sont inchangées (visite annuelle, inaptitude...). La loi en ajoute en revanche une nouvelle. Lorsque le médecin du travail constate un risque pour la santé, il propose "par un écrit motivé et circonstancié" des mesures à l'employeur. Ce dernier doit prendre en compte les recommandations du médecin et, en cas de refus, lui expliquer les raisons. De la même façon, lorsque l'employeur relève une situation de risque, il saisit le médecin. Celui-ci formule ses préconisations par écrit. Ces échanges entre l'employeur et le médecin du travail sont tenus à la disposition du CHSCT (ou des délégués du personnel), de l'inspecteur du travail, du médecin inspecteur de la sécurité sociale.

Une trace écrite dont tous peuvent se saisir

L'introduction de documents écrits auxquels l'employeur a obligation de répondre ou de réagir va permettre à de nombreux acteurs de se saisir de questions soulevées par les services de santé au travail. A commencer par la justice et les CHSCT.

Obligations de l'employeur et place des IPRP

Toute entreprise, selon le nouvel article L.4644-1, doit se préoccuper de la protection et de la prévention des risques. Pour ce faire, la loi lui offre une alternative :

  • soit l'entreprise désigne un salarié chargé de la santé sécurité et dûment formé à cet effet ;
  • si elle ne dispose pas des compétences en interne, elle fait appel aux intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) de leur service de santé ou à un expert de la Carsat, de l'Anact ou de l'OPPBTP.

Ce dispositif entre en vigueur à la date de publication du décret qui le définira, ou au plus tard le 1er juin 2012.

Concernant les IPRP, un décret doit définir les garanties nécessaires à leur indépendance. En outre, leur habilitation est réputée valable et vaut pour enregistrement pour une durée de 3 ans à compter de la promulgation de la loi.

Les examens médicaux obligatoires prévus par des accords collectifs et différents des dispositions prévues par la loi sont caduques dix-huit mois après promulgation de celle-ci.

Une obligation de désignation

La loi introduit l'obligation de désigner quelqu'un en charge de la santé-sécurité. Qu'il soit désigné en interne ou au sein d'intervenants extérieurs dûment identifiés tels que ceux disponibles dans les services de santé au travail.

Rupture du contrat du médecin du travail

Le texte apporte plusieurs précisions sur ce point :

  • La rupture conventionnelle du contrat du médecin est admise. Mais elle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail, après avis du médecin inspecteur du travail ;
  • La rupture du CDD avant l'échéance du terme en raison d'une faute grave ou de son inaptitude médicale est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail ;
  • De même, le non renouvellement du CDD, alors qu'une clause de renouvellement existe, doit aussi être soumise à l'inspecteur du travail ;
  • Il en va de même pour la fin d'un CDD sans clause de renouvellement. L'employeur doit saisir l'inspecteur du travail un mois avant le terme du CDD ;
  • L'inspection du travail est aussi saisie en cas de transfert du contrat du médecin d'un service de santé à un autre.
Protection renforcée des médecins du travail

Ces dispositions viennent renforcer la protection accordée aux médecins du travail dans le cadre de leur mission.

Suivi médical de certaines catégories de salariés

Le texte aménage des règles particulières pour certaines catégories :

  • Pour les artistes, les intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés des particuliers employeur et les VRP, un accord de branche peut prévoir des règles particulières sur le choix du service de santé. Pour les mannequins et les salariés des particuliers employeurs, l'accord de branche étendu peut même prévoir que le suivi soit effectué par "des médecins non spécialisés en médecine du travail". En l'absence d'accord 12 mois après la promulgation de la loi, un décret déterminera le suivi médical de ces salariés ;
  • Un autre décret adaptera, pour d'autres catégories particulières de salariés (intérimaires, stagiaires, travailleurs des associations intermédiaires, travailleurs éloignés ou détachés, travailleurs saisonniers), les modalités du suivi médical. Pour ces salariés, le décret pourra fixer une autre périodicité pour les visites médicales.

A noter : les services de santé au travail du secteur agricole continuent d'être administrés selon les dispositions prévues par le code rural.

Pallier la pénurie de médecins

Pour pallier la pénurie de médecins du travail, les services de santé pourront recourir à un interne en médecine du travail. Il exercera alors " sous l'autorité d'un médecin du travail". Un décret définira les conditions d'application de cette dérogation

Documents joints : Texte définitif de la proposition de loi

 

Auteur : Par Dominique Le Roux / Sophie Hoguin, actuEL-HSE

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