Travail de nuit : un rapport du CESE dénonce la faible prise en compte des risques pour la sécurité et la santé

Selon le Code du travail, le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il doit être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.

Or, en raison de l'évolution des modes de vie, il ne cesse de progresser : aujourd'hui, en France, près d’un salarié sur cinq travaille habituellement la nuit. Ce constat a conduit le Conseil économique, social et environnemental (CESE) à rappeler, dans un récent rapport, que le travail nocturne comporte des risques avérés pour la santé et la sécurité des travailleurs. Il mérite donc d'être encadré et de donner lieu à des mesures spécifiques de prévention des risques.

Le travail de nuit est loin d'être marginal et ne cesse de progresser. Comme le note les membres du CESE, “alors qu’en 1991, 13 % des salariés travaillaient de façon occasionnelle ou habituelle entre minuit et cinq heures du matin, ils sont, en 2008, 15,4 % (21,8 % des hommes et 8,7 % des femmes), soit environ 3,6 millions de salariés”.

Des risques avérés pour la santé

Or, le travail de nuit comporte des risques spécifiques pour les travailleurs. Les auteurs évoquent bien entendu les dangers résultant du défaut de vigilance. Ils soulignent ainsi que “la majorité des accidents, en particulier les accidents mortels, se produisent dans les périodes chronobiologiques de somnolence maximale, c'est-à-dire entre 2 heures et 5 heures du matin et entre 13 heures et 15 heures.” Mais il ne faut pas non plus négliger les conséquences directes sur la santé physique (risques avérés de troubles digestifs et risque probable de cancer) et psychologique (stress, asthénie, dépression).

Autant de pathologies qui justifient un appel à mieux prendre en compte les conséquences néfastes du travail de nuit dans l'organisation du travail, notamment via des mesures de prévention des risques plus rigoureuses.

Pour aller plus loin : le rapport est téléchargeable sur le site du CESE : www.conseil-economique-et-social.fr/rapport/rapsec/RS100420.pdf

Une obligation : prendre en compte le travail de nuit dans le document unique d'évaluation des risques

Le rapport du CESE rappelle l'obligation de rédiger un document unique d'évaluation des risques professionnels et insiste pour qu'il prenne en compte les risques spécifiques auxquels sont exposés les travailleurs de nuit :

“Les mesures de prévention des risques pour la santé et la sécurité relèvent de la responsabilité de l'employeur qui doit respecter les dispositions générales de prévention en intégrant, dans un ensemble cohérent, l'organisation du travail et les conditions de travail. Le médecin du travail joue également un rôle majeur de conseil auprès du chef d’entreprise, notamment pour la rédaction du Document unique d'évaluation des risques (DUER) qui devrait systématiquement comporter une évaluation des risques auxquels sont exposés les travailleurs de nuit.

Tout travail de nuit ou posté, de quelque nature qu’il soit, comporte des risques pour la santé du travailleur, du fait qu’il est exécuté la nuit (risques de somnolence, baisse des capacités cognitives etc.). A ces risques inhérents au travail de nuit, s’ajoutent des risques particuliers, comme la manutention manuelle de charges, un travail qui expose les travailleurs au bruit, ou à certains agents chimiques ou biologiques. De telles activités peuvent provoquer ou accroître des tensions physiques et mentales, du fait qu’elles sont pratiquées la nuit. C’est pourquoi le plan de prévention de l’entreprise doit réduire au niveau le plus bas possible l’exposition aux agents chimiques, physiques ou biologiques.

A cet égard, l’INRS recommande de mettre en place un dispositif de prévention avant et après la mise en place des horaires de nuit.”

Les recommandations de prévention de l'INRS

L'INRS a formulé des recommandations pour prévenir les risques liés au travail de nuit. En voici une synthèse non exhaustive :

Lors de la mise en place d’horaires de nuit :

  • prendre en compte le contenu des activités de travail (exigences physiques et psychologiques) ;
  • prendre connaissance de l’évaluation des risques professionnels réalisée sur les postes concernés et vérifier que les mesures de prévention nécessaires ont été prises et restent adaptées pendant les horaires atypiques ;
  • associer les salariés de l’entreprise aux discussions sur les modalités des horaires : notamment les heures de prise de poste, les rythmes et sens de rotation, l’amplitude des journées de travail et le temps de récupération ;
  • s’assurer de l’acceptation des horaires par le salarié et avoir le souci de considérer la tolérance de ces rythmes par l’entourage familial.

Après la mise en place des horaires de nuit :

  • surveiller régulièrement les taux de fréquence, de gravité, y compris ceux des accidents de trajet, le cahier de soins à l’infirmerie, les demandes de reconnaissance de maladies professionnelles, assurer le suivi médical systématique des travailleurs concernés ;
  • sensibiliser les salariés par des campagnes d’information à la nécessité de conserver une hygiène de vie tant sur le plan du sommeil, que sur le plan de l’alimentation ;
  • renforcer le suivi médical des salariés exposés plus de 8 h de travail, à des nuisances physiques et/ou chimiques ;
  • évaluer régulièrement la santé, perçue tant au niveau physique que psychologique. Le taux d’absentéisme est un indicateur à consulter ;
  • dans les entreprises où coexistent des horaires atypiques et des horaires classiques, faciliter la mobilité d’un type d’horaire à l’autre en prenant en compte l’évolution de l’âge, la situation familiale, les contraintes financières, la santé des salariés.

Auteur : La rédaction de Point Org Sécurité

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