Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (LED)

La directive européenne EuP (2005/32/CE) pour l’éco-conception prévoit l’amélioration des performances énergétiques pour des produits courants comme l’éclairage électrique. Elle conduira ainsi à la fin progressive de la commercialisation des lampes les plus énergétiques, comme les ampoules à incandescence, entre 2009 et 2016.

Les diodes électroluminescentes (LED) sont des sources d’éclairage en plein développement technologique et économique. Utilisées depuis de nombreuses années dans l’électronique comme sources de lumières faibles et monochromatiques, comme témoins lumineux par exemple, puis dans les feux de signalisation, elles trouvent aujourd’hui leur place dans des systèmes d’éclairage à part entière : éclairage portatif, feux de véhicules, éclairages domestiques d’ambiance.

L’utilisation des LED comme source d’éclairage des lieux de travail est également en pleine progression.

Les premières LED blanches sont progressivement apparues sur le marché depuis la fin des années 90 et proposent maintenant des « intensités lumineuses » de plus en plus élevées1 (associées à des puissances de quelques watts à quelques dizaines de watts). Il existe actuellement trois méthodes pour réaliser une diode électroluminescente émettant de la lumière blanche mais le procédé le plus répandu et le plus rentable économiquement aujourd’hui est celui qui couple une LED bleue à un phosphore jaune. Ce sont donc ces LED qui ont fait l’objet de l’expertise de l’Anses dont la méthode et les résultats sont présentés ici.

Étape initiale

Résumé de la demande

Sur proposition de son Comité d’Experts Spécialisés (CES) « Agents Physiques, Nouvelles Technologies et Grands Aménagements », et après validation par son conseil scientifique, l’Agence a engagé une auto-saisine sur la question des impacts sanitaires liés à l’usage des systèmes d’éclairage par LED. Suivant les principes de l’expertise collective, après avis du CES, l’Agence a mandaté un groupe de travail pour réaliser l’expertise demandée.

Cette auto-saisine s’est intéressée tant aux questions de l’éclairage public qu’aux questions d’éclairage sur les lieux de travail.

Méthode de travail

Le groupe de travail « GT LED » a été constitué après un appel à candidatures public d’experts. Ce groupe de travail multidisciplinaire était composé d’experts en ophtalmologie, en dermatologie, en éclairage et en physique des rayonnements optiques.

Le groupe de travail s’est réuni à 10 reprises en sessions plénières, du 13 mai 2009 au 26 mars 2010. Pour réaliser cette expertise, le groupe de travail s’est appuyé sur une large revue de la littérature scientifique internationale complétée par des auditions de personnalités scientifiques nationales,et internationales, ainsi que de représentants de l’Association française de l’éclairage (AFE). Une contribution écrite portant sur le marché de l’éclairage français et européen et sur le recyclage des lampes a été demandée à l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Par ailleurs, les membres du groupe de travail ont réalisé des calculs et mesures dans leurs laboratoires (CSTB2 , INRS3 , LNE4) afin de classer quelques exemples de systèmes à LED selon les groupes de risque définis dans la norme de sécurité photobiologique applicable aux LED (NF EN 62471).

Étape finale

Les risques identifiés comme les plus préoccupants, tant par la gravité des dangers associés, que par la probabilité d’occurrence dans le cadre d’une généralisation de l’emploi des LED, sont liés aux effets photochimiques de la lumière bleue et à l’éblouissement. Ils résultent :

  • du déséquilibre spectral des LED (forte proportion de lumière bleue dans les LED blanches) ;
  • des très fortes luminances5 des LED (fortes densités surfaciques d’intensité lumineuse émises par ces sources de taille très faible).

Risque lié à la lumière bleue :

Le risque d’effet photochimique est associé à la lumière bleue et son niveau dépend de la dose cumulée de lumière bleue à laquelle la personne a été exposée. Il résulte généralement d’expositions peu intenses répétées sur de longues durées. Le niveau de preuve associé à ce risque est important.

Des populations plus particulièrement sensibles au risque ou particulièrement exposées à la lumière bleue ont été identifiées, comme les enfants, les personnes atteintes de certaines maladies oculaires ou encore certaines populations de professionnels soumis à des éclairages de forte intensité.

Il existe actuellement peu de données d’exposition des personnes relatives à un éclairage, qu’il s’agisse des systèmes utilisant des LED ou d’autres types de sources lumineuses. Le groupe de travail n’a ainsi pu présenter des évaluations des risque chiffrées que dans le cas de l’exposition à la lumière bleue, selon les principes développés par la norme NF EN 62471. Cette norme relative à la sécurité photobiologique des lampes propose un classement en groupes de risque liés à la durée d’exposition maximale admissible de l’œil à la lumière.

Les mesures de luminance6 effectuées font apparaître que certaines LED accessibles à l’achat pour le grand public et potentiellement utilisées en éclairage domestique, pour des applications de signalisation et de balisage, appartiennent à des groupes de risque plus élevés que ceux des éclairages traditionnels.

Par ailleurs, il apparaît que la norme NF EN 62 471 n’est pas tout à fait adaptée à des éclairages utilisant des LED (valeurs limites d’exposition non adaptées, protocoles de mesures ambigus, certains populations sensibles ne sont pas prises en compte):

Risque lié à l’éblouissement :

En éclairage d’intérieur, il est admis qu'une luminance supérieure à 10 000 cd / m2 7 est visuellement gênante quelle que soit la position du luminaire dans le champ visuel. En raison notamment du caractère ponctuel de leur surface d’émission, les LED peuvent présenter des luminances 1 000 fois plus élevées. Le niveau de rayonnement direct de ce type de source peut ainsi largement dépasser le niveau d’inconfort visuel, bien plus qu’avec les éclairages dits « classiques » (halogènes, lampes basses consommation).

S’agissant des risques liés à l’éblouissement, il existe des références normatives8 en matière d’ergonomie visuelle et de sécurité. Dans les systèmes d'éclairage à LED disponibles sur le marché, les LED sont souvent directement apparentes afin de ne pas atténuer le niveau d'éclairement produit. Ceci pourrait conduire à un non respect de ces exigences normatives.

RECOMMANDATIONS

Pour l’Anses, il est nécessaire de restreindre la mise sur le marché « grand public » des systèmes d’éclairage à LED pour n’autoriser que des LED ne présentant pas plus de risques liés à la lumière bleue que les éclairages traditionnels. Par ailleurs, l’Anses recommande d’adapter la norme NF EN 62 471 relative à la sécurité photobiologique des lampes aux spécificités des LED et de prendre en compte les populations sensibles et les personnes particulièrement exposées (certaines populations de travailleurs : installateurs éclairagistes, métiers du spectacle, etc.).

L’Anses recommande également que les normes relatives au confort et à l’ergonomie visuelle soient respectées sur les lieux de travail et dans les foyers. Dans ce sens, l’Anses recommande de diminuer les luminances des LED, notamment par des dispositifs optiques ou des luminaires adaptés, pour limiter les risques d’éblouissement.

Afin de mieux informer le consommateur, l’Anses recommande également que l’étiquetage informatif des systèmes d’éclairage présente clairement des informations concernant la qualité de la lumière et le niveau de sécurité photobiologique selon la norme NF EN 62 471.

Auteur : ANSES

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  1. Source ADEME : « Les LED de faible puissance c'est-à-dire inférieure à 1 Watt sont utilisées comme voyant lumineux sur les appareils électroménagers par exemple. Les LED de forte puissance c'est-à-dire supérieure à 1 Watt supportent des courants plus importants (jusqu’à 1 500 mA) et fournissent davantage de lumière (135 lm / W) ».
  2. CSTB : Centre Scientifique et Technique du Bâtiment.
  3. INRS : Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
  4. LNE : Laboratoire National de Métrologie et d’Essais.
  5. La luminance (en cd / m2) quantifie la lumière émise par une source étendue, par unité de surface. Elle définit l’impression lumineuse perçue par un observateur qui regarde la source. Elle permet donc d'évaluer l'éblouissement.
  6. Les mesures effectuées consistaient en la mesure de la luminance énergétique (c'est-à-dire dépendant de la longueur d’onde) pondérée par la fonction de phototoxicité de la lumière bleue.
  7. Il s’agit d’une valeur couramment citée au-delà de laquelle on subit un éblouissement d’inconfort en éclairage intérieur. La norme NF X 35 103 : « Principes ergonomiques visuels applicables à l'éclairage des lieux de travail » évoque une luminance admissible de 2000 cd / m ² pour une petite source présente dans le plan de travail.
  8. Les normes auxquelles le texte fait référence sont : les normes NF X 35-103 « Ergonomie : Principes d´ergonomie visuelle applicables à l´éclairage des lieux de travail » ; NF EN 12464-1 « Éclairage des lieux de travail – Partie 1 : Lieux de travail intérieurs » ; NF EN 12464-2 « Éclairage des lieux de travail – Partie 2 : Lieux de travail extérieurs » ; série de normes NF EN 13201 « Éclairage public » ; et NF EN 12193 « Éclairage des installations sportives ».

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