ISO 45001 : le management de la sécurité pas à pas

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La future norme Iso 45001 Systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail - exigences et lignes directrices franchit en début d'année le stade du vote DIS (projet de norme internationale). Malgré une opposition de fond, la France s'est engagée dans les travaux pour faire valoir son point de vue.

Si l'on se réfère à son domaine d'application, la future norme Iso 45001 « spécifie les exigences pour un système de management de la santé et de la sécurité au travail (SST), ainsi que des lignes directrices pour son utilisation, afin de permettre à un organisme de fournir des conditions de travail sûres et saines pour la prévention des blessures et des maladies et d'améliorer de façon proactive sa performance en SST ». Les travaux ont été engagés en octobre 2013, suite à une proposition britannique, au sein du comité de projet Iso/PC 283, à présidence et secrétariat britannique. Ils s'appuient sur le référentiel BS OHSAS 18001, qui définit des exigences relatives aux systèmes de management SST, et sur le document Ilo-OSH 2001 Principes directeurs concernant les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail de l'Organisation internationale du travail (OIT). La future norme doit tenir compte des principes généraux de prévention européens et de la directive cadre 89/391/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Elle doit évidemment respecter les réglementations nationales - le Code du travail en France -, auxquelles elle ne se substitue pas.

La future norme Iso 45001 est élaborée par un groupe de travail (WG 1) à présidence danoise et secrétariat suédois. Des sous-groupes (task groups), animés par les États-Unis, Singapour, l'Irlande, la Grande-Bretagne et la Suède, se répartissent la rédaction des différents chapitres. Le comité de projet compte à ce jour 63 membres P (participants), dont une vingtaine de pays européens. La France en fait partie, bien qu'elle ait voté contre le lancement de ces travaux. Elle a également voté négativement sur les premières versions du projet de norme (CD 1 et CD 2). « Les parties intéressées étaient opposées au lancement des travaux internationaux. Elles ont néanmoins décidé d'y participer pour influer sur le contenu de la future norme et faire valoir les points de vue et les intérêts des organisations françaises », commente Florence Saillet, chef de projet Afnor.

Le deuxième committee draft a donné lieu à plus de 2 000 commentaires et à deux réunions de dépouillement, en juillet et en septembre 2015. Au final, il a été approuvé par plus de trente-cinq pays, et désapprouvé par une dizaine (dont la France, donc).

La norme suit la structure commune adoptée pour les normes de systèmes de management (comme les nouvelles Iso 9001 ou Iso 14001). Elle est applicable à toutes les organisations, indépendamment de leur taille, du produit ou du service fourni ou du secteur d'activité. « La norme repose sur l'amélioration continue des performances de maîtrise des risques pour la santé et la sécurité au travail par une démarche structurée et formalisée, résume Florence Saillet. Elle comporte une annexe donnant des lignes directrices pour son utilisation. » Elle s'appuie sur le concept PDCA (planifier, déployer, vérifier, améliorer), qui constitue un processus itératif d'amélioration continue. Elle pourra servir de base à une certification. Elle a vocation, à terme, à remplacer l'OHSAS 18001.

Des avancées suit aux discussions

La commission de normalisation miroir, qui organise le suivi des travaux et la participation française à l'international, rassemble des organismes de prévention, des syndicats de salariés, des organisations professionnelles, des entreprises, des certificateurs, les pouvoirs publics (Direction générale du travail)... Une des spécificités de l'élaboration de la norme est liée à la participation active des syndicats - en France, Confédération française démocratique du travail (CFDT), Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), Confédération générale du travail (CGT), Force ouvrière (FO) - et de l'Organisation internationale du travail (OIT) dans les discussions.

L'avis de l'INRS

« La question d'une norme sur la santé sécurité au travail est sur le feu depuis 1996 », explique Catherine Montagnon, adjointe du directeur des applications de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Avec une constante : l'opposition de la France. « Ce sujet relève du domaine du dialogue social, pas du domaine de la normalisation. La Direction générale du travail (DGT), les syndicats d'employeurs et les syndicats de salariés considèrent que le dialogue social est indispensable en matière de prévention des risques professionnels. » Les différentes tentatives pour lancer des travaux dans ce secteur ont toujours été retoquées, jusqu'à la proposition britannique de 2013, appuyée sur l'utilisation de l'OHSAS à l'international et un rapprochement entre l'Iso et le Bureau international du travail (BIT). « Huit pays ont alors voté contre : la France, l'Argentine, le Brésil, l'Allemagne, l'Inde, le Japon, la Malaisie et la Pologne. » Néanmoins, une majorité s'étant prononcée en faveur des travaux, les Français se sont impliqués. Avec un certain succès : « La prévention commence à se faire entendre, constate Catherine Montagnon. La France s'est battue pour la défense des principes généraux de prévention et pour que les travailleurs soient au centre de la démarche SST. » Les experts se montrent vigilants sur les spécificités de la démarche : « Le terme risque, dans les normes de système de management, est toujours considéré en balance avec l'opportunité. D'un point de vue prévention, ce n'est pas justifiable ! Une distinction majeure est nécessaire entre le risque pour la santé sécurité et le risque pour l'entreprise. » Autre cheval de bataille : l'approche comportementale, qui insiste sur la responsabilité du salarié en cas d'accident - « une approche qui était dans le projet initial et que l'on combat farouchement ». « Nous considérons que la réglementation française et européenne est largement suffisante », résume Catherine Montagnon. Elle pointe deux risques : que cette norme ne soit pas adaptée aux PME, qu'elle exclue donc certaines d'entre elles lors de passation de marchés, et que les entreprises certifiées soient amenées à penser qu'elles sont en conformité avec leurs obligations - et qu'en conséquence elles relâchent leur attention sur la prévention des risques. Les préventeurs restent donc très mobilisés. D'autant que « dans les négociations internationales, la France est aujourd'hui un expert reconnu ».

Sous l'influence notamment des experts français, plusieurs avancées ont émergé des discussions et commentaires à l'issue du vote sur le CD 2. « La démarche SST est une démarche volontaire qui suppose l'engagement fort de la direction », détaille Florence Saillet. La norme place les travailleurs au centre de la démarche SST. « Elle introduit la notion de participation active des salariés et de leurs représentants dans la prévention des risques, à tous les niveaux de la hiérarchie », ajoute-t-elle.

La norme couvre l'ensemble des aspects SST. « II s'agit d'une démarche globale qui a pour but de renforcer la protection des travailleurs. » Elle défend une approche proactive et donne la priorité à une approche systématique de l'examen des risques, plutôt que de traiter la prévention comme une composante distincte du système de management. Enfin, elle s'attache à la définition de certains termes, comme « danger », « risque », « incident », « travailleur », « lieu de travail », « maladie professionnelle », « blessure », dans le contexte spécifique de la santé et de la sécurité au travail.

Si les travaux normatifs se poursuivent selon le calendrier prévu, la norme Iso 45001, envoyée à l'enquête publique en France en février, devrait paraître début 2017.

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