Filières déchets : valoriser, mais pas à n’importe quel prix

Pour répondre aux évolutions rapides de la réglementation, les activités de gestion des déchets doivent sans cesse se réinventer. De nouvelles filières spécialisées apparaissent et les objectifs en matière de collecte et de recyclage sont régulièrement revus à la hausse. Dans un secteur à faible valeur ajoutée, cette instabilité a des conséquences sur la prévention des risques professionnels.

Selon l’Ademe, en 2017, la quantité estimée de déchets produits en France s’élevait à 326 millions de tonnes. Ils étaient principalement issus du BTP (224 Mt), de l’activité économique et associée (66,1 Mt), des ménages (31,7 Mt) et des collectivités (4,2 Mt). Cette même année, le nombre de travailleurs dans le secteur des déchets s’élevait à 111 650, soit presque 25 % des emplois du secteur de l’environnement. Selon les données de l’Insee de 2018, 45 % d’entre eux travaillent à la collecte, 31 % à la récupération et le reste à l’élimination.

En français, le terme « déchet » qualifie quelque chose de sale dont il ne reste plus rien à tirer et dont il n’y a plus qu’à se débarrasser. Engagé il y a une quarantaine d’années, un renversement dans l’approche de la gestion des ordures pourrait cependant finir par changer la donne. Les déchets deviendraient-ils synonymes de valeur et de richesse ? Fini le temps de la mise en décharge et de l’incinération. Place à la valorisation.

Car la prise de conscience écologique, qui nous dicte la nécessité de préserver la planète et ses ressources, a rendu caduc le modèle linéaire de gestion des déchets. Petit à petit, celui-ci devient circulaire. Il faut réutiliser, recycler, valoriser. Seuls les déchets ultimes, ceux que l’on ne sait pas (encore) valoriser, doivent être stockés et éliminés. Cette nouvelle perspective est soutenue par des directives qui s’écrivent au niveau européen avant d’être transposées dans les droits nationaux des États membres. La réglementation définit des objectifs en termes de collecte et de recyclage, mais aussi d’organisation pour les atteindre. De ce fait, elle contraint et structure fortement le secteur des déchets.

Un secteur complexe

L’une des conséquences de ces textes est l’apparition de différentes filières « responsabilité élargie des producteurs » (REP) dans l’Hexagone. Mutualisées entre plusieurs producteurs sous forme d’« éco-organismes » ou individuelles, elles peuvent être communes à l’Europe (emballages ménagers, piles et accumulateurs, automobiles, équipements électriques et électroniques (DEEE), médicaments… ) ou d’initiative française (ameublement, pneumatiques, produits chimiques, textiles, linges de maison et chaussures, déchets d’activités de soin à risques infectieux dits Dasri…). Certaines ont été organisées volontairement par des professionnels comme c’est le cas, par exemple, des fabricants de cartouches d’encre ou de mobile-homes. Et, à partir du 1er janvier 2022, le BTP, plus gros pourvoyeur de déchets, aura lui aussi sa filière dédiée.

Cette spécialisation, par type de déchets, a débouché sur des innovations en matière de modes de tri, de techniques de recyclage et de valorisation. Elle a aussi, en contrepartie, compliqué le secteur en multipliant les filières de traitement. Une complexité encore accentuée par la multiplicité des acteurs qui interviennent tout au long du traitement du déchet (« metteur sur le marché », consommateur, collectivités territoriales, recycleurs, éco-organismes…) et qui obéissent souvent à des logiques différentes, économiques ou politiques.

Du point de vue de la sécurité au travail, ce foisonnement de filières, d’acteurs et d’intérêts n’est certainement pas un avantage. Pour une prévention efficace des risques professionnels, la coordination est primordiale. Par exemple, lorsqu’une entreprise chargée de la collecte de piles ne les stocke pas à l’abri des intempéries ou les manipule violemment à l’aide d’engins, l’intégrité de leurs enveloppes peut être compromise. Les produits dangereux qu’elles relâchent et les réactions nocives qui peuvent survenir exposent à des risques les salariés des maillons suivants de la chaîne qui sont chargés de les trier.

Des risques variés

Port de charge, manutentions, travail en hauteur, machines-outils, agents biologiques, bruit… les sources de risques potentiels ne manquent pas dans le secteur. Ils sont fonction non seulement des procédés mis en œuvre, mais aussi du type de déchets que l’on considère. Par exemple, si le risque biologique est présent dans la REP Dasri, il ne l’est pas dans celle des piles. Il faut aussi souligner que la composition des déchets n’est pas toujours connue des entreprises qui les prennent en charge. Ils peuvent receler des substances bannies ou concentrées au-delà des seuils autorisés aujourd’hui, car toxiques ou délétères pour l’environnement. Enfin, certains matériaux se transforment ou se dégradent, à l’instar des biodéchets et, ce faisant, peuvent développer des caractéristiques dangereuses pour la santé.

La complexité du secteur des déchets, du point de vue de sa structuration comme de celui des risques auxquels il expose ses salariés, a des conséquences en matière de sécurité au travail. Les chiffres de sinistralité sont là pour le prouver. La collecte et le recyclage présentent des taux d’accidents du travail élevés. En 2018, avec un indice de fréquence respectivement de 67,9 et 80,1 pour 1 000 salariés, ces activités sont devant le BTP qui atteignait un taux de fréquence de 56,1 cette année-là (tous secteurs confondus, cet indice est de 34,5).

En matière de prévention, chaque filière doit adapter sa démarche à ses spécificités. L’employeur est tenu d’évaluer les risques spécifiques à son entreprise et de les retranscrire dans un document unique afin d’identifier les mesures de prévention adaptées. Afin d’être efficace, l’évaluation des risques doit associer le personnel concerné. En fonction de ses résultats, des mesures de prévention sont à élaborer sur la base des principes généraux de prévention inscrits dans le Code du travail.

Classement des déchets

Les déchets peuvent être classés selon leurs propriétés :

  • non dangereux inertes : ferrailles, métaux non ferreux, bétons, briques…. Ils ne subissent aucune transformation physique, chimique ou biologique importante. Ce sont essentiellement des déchets du BTP ;
  • non dangereux : biodéchets, déchets de plastiques, bois… Ils ne présentent aucune des 15 propriétés de danger telles que définies dans la réglementation ;
  • dangereux : ils représentent un risque pour la santé ou l’environnement et nécessitent un traitement adapté qui dépend de leur nature (recyclage, valorisation énergétique, traitement chimique, enfouissement, incinération).

En fonction de leur catégorie, les déchets suivent une filière de gestion propre (recyclage, valorisation, traitement, élimination…).

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