Bruit au travail, du son à la nuisance, entre gêne subjective et réel danger

Trop souvent, le bruit reste le parent pauvre de la prévention en milieu professionnel. Soit il est ignoré, soit la prévention se limite à une protection individuelle à l'aide de casques ou de bouchons d'oreilles. Selon les secteurs d'activité, il expose pourtant à des conséquences multiples : de la gêne, provenant du bureau voisin ou de collègues, et potentiellement source de mal-être, à la lésion histologique, cause de surdité irréversible. Sans oublier qu'il peut également être à l'origine d'accidents, en masquant les signaux d'alerte ou en détournant l'attention. Pourtant, de nombreuses solutions adaptées aux innombrables contextes rencontrés existent pour traiter ce risque à la source.

Trois millions de salariés exposés. Près de six actifs sur dix qui se disent gênés sur leur lieu de travail, tous secteurs confondus (industries, BTP, services, administrations...), d'après un sondage Ifop pour la Journée nationale de l'audition réalisé en septembre 2018 auprès de 1 093 personnes. Le bruit constitue une nuisance majeure en milieu professionnel. Le plus souvent, il passe en arrière-plan et reste insuffisamment pris en compte en tant que risque professionnel. Il n'existe pas de définition officielle du bruit, qui est un terme générique. L'Afnor donne toutefois comme définition « toute sensation auditive désagréable ou gênante, tout phénomène acoustique produisant cette sensation, tout son ayant un caractère aléatoire qui n'a pas de composantes définies ».

Les expositions au bruit varient selon le contexte professionnel. Dans les activités industrielles ou le BTP, les niveaux dépassent fréquemment les 80 dB(A). Ces nuisances peuvent générer des lésions de l'oreille interne, avec perte définitive d'audition. Entre 700 et 800 surdités professionnelles sont reconnues chaque année en France. Le bruit est dans ce cas encore souvent considéré comme une composante normale du travail. Le risque tend alors à être sous-estimé. Pourtant, outre les lésions auditives, les niveaux sonores élevés peuvent être source d'accidents : ils masquent des signaux d'alerte, perturbent la communication ou détournent l'attention. Les solutions de prévention consistent en premier lieu à réduire les émissions sonores à la source, en privilégiant les matériels les moins bruyants. Si une telle approche n'est pas possible, il faut limiter la propagation des ondes dans l'espace de travail : encoffrement de machines, cloisonnement, traitement acoustique des locaux... Ou encore par l'éloignement des personnes des sources d'émission.

La mise à disposition d'équipements de protection individuelle (EPI) est souvent la première action mise en oeuvre en entreprise. Une solution incontournable et insuffisante à la fois. Les bouchons moulés individuels prennent de plus en plus d'importance au détriment des solutions classiques, alors qu'ils sont rarement la bonne première réponse. Le port d'EPI ne doit venir qu'en complément d'aménagements collectifs préalables.

Un révélateur de mal-être

Dans le cas des activités tertiaires, en particulier dans des bureaux ouverts, la question de la gestion des nuisances liées au bruit est traitée sous un autre angle. Les niveaux sonores mesurés sont sous les seuils d'action de la réglementation et n'exposent pas les salariés à des risques de lésions de l'oreille. Ils peuvent en revanche nuire à la capacité de concentration et à la qualité du travail de chacun. D'ailleurs dans des bureaux ouverts, le bruit est ressenti comme la première source de gêne, devant la qualité de l'air ou l'éclairage.

La perception du bruit est par ailleurs très subjective. Un même son peut être utile, agréable ou gênant selon qui le reçoit et à quel moment. La perception sonore va au-delà du niveau sonore. C'est l'exemple de la goutte d'eau qui tombe régulièrement ou du stylo à bille rétractable que manipule nerveusement un collègue. Des bruits insidieux, faibles mais permanents, tels qu'une ventilation, peuvent également dégrader la capacité de concentration sur la durée. Autre cas, les conversations dans les bureaux ouverts peuvent également créer une gêne de première importance. Or faire des efforts intellectuels pour s'isoler des nuisances sonores environnantes crée une surcharge cognitive. L'âge joue aussi : en vieillissant, on devient plus sensible et moins tolérant aux bruits.

Le bruit étant un excitant pour le cerveau, une exposition subie et prolongée peut avoir des répercussions sur la santé des salariés. Il induit du stress et des mises en tension. Les réactions physiopathologiques en résultant sont connues : hypertension, troubles du sommeil, baisse des performances cognitives... À l'échelle collective, le bruit peut avoir pour autre effet de dégrader le climat social d'une entreprise. D'où la nécessité de faire prendre conscience aux décideurs qu'il est contre-productif de faire travailler les salariés dans de tels environnements. Enfin, le bruit peut révéler divers dysfonctionnements dans une entreprise. Quand le climat social est dégradé dans une entreprise, le bruit est souvent une des premières causes citées. Car chacun a un vécu par rapport au bruit, et sait l'exprimer. Mais cela peut cacher autre chose. Quand on n'est pas bien dans son travail, le bruit vient accentuer l'inconfort ou le mal-être.

De multiples approches et solutions sont envisageables pour améliorer des ambiances dégradées du fait du bruit. Chaque situation mérite une analyse à part entière. Il est nécessaire de distinguer les signaux utiles - qui relèvent de sa propre activité ou de celles de ses collègues immédiats - des signaux dérangeants, plus lointains et sans rapport avec son activité. Et il est essentiel d'associer les salariés aux discussions. En allant les voir avec un projet, même sommaire, on les aide à se projeter et à enclencher la verbalisation. Une fois réalisés, les aménagements montrent des résultats bénéfiques au-delà de la seule acoustique, contribuant à un bien-être accru au travail.

 

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