Rapport LECOCQ : de bonnes intentions mais...

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Le rapport Lecocq, initialement attendu pour le 30 avril, a finalement été remis au premier ministre en juillet et son contenu présenté publiquement le 28 août 2018. Son titre annonce des intentions louables : Santé au travail, vers un système simplifié pour une prévention renforcée. Son contenu va cependant susciter de vifs débats car ce rapport-fleuve de 174 pages souffre à l’évidence d’un problème de cohérence. Si certaines mesures proposées vont assurément dans le sens du développement de la culture de prévention, d’autres pourraient conduire à l’effet inverse.

En substance, il propose de réorganiser les structures et les moyens de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels. Le scénario proposé aboutirait à la création de guichets uniques régionaux, couvrant l’intégralité des services en santé au travail et en prévention auxquels l’entreprise peut prétendre dans sa région. Ces structures régionales regrouperaient les compétences de plusieurs organismes existants et proposeraient une offre régionale voulue “homogène” par les rédacteurs du rapport.

Un fonds national de prévention, financé par les cotisations des employeurs, l’État, la CNAM, les complémentaires santé, l’Agefiph (gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) et les contributions volontaires des travailleurs indépendants alimenterait une structure “France Santé Travail” qui elle-même piloterait les structures “Régions Santé Travail”.

Dans la pratique, cette régionalisation risque fort, au contraire des intentions affichées, de conduire à la multiplication d’usines à gaz régionales avec chacune ses propres règles et son réseau de prestataires et de se révéler comme une entrave supplémentaire à la prévention. Ce qui provoquerait en outre, selon la disparité des efforts régionaux, l’émergence d’une prévention à plusieurs vitesses.

Si la volonté d’inciter les entreprises à s’engager davantage dans la prévention par une approche valorisante (recommandation 4), notamment “ne pas fonder l’incitation à la prévention sur la seule menace de la sanction”, est louable, la réflexion qui a conduit à la rédaction de la recommandation 13 sur la “simplification” de l’évaluation des risques dans les entreprises apparaît insuffisante. L’actuel Document Unique d’Évaluation des Risques serait intégré dans un nouveau document “unique” obligatoire, le Plan de Prévention des Risques. Sachant qu’un bon document unique s’intègre déjà nécessairement à un plan de prévention, l’intérêt de cette recommandation apparaît plus cosmétique que réel. Plus dangereuse, la proposition de “limiter la formalisation de l’évaluation aux risques majeurs dans les plus petites entreprises” aurait pour conséquence d’éloigner encore plus les TPE de la culture de prévention pourtant chère aux vœux des rédacteurs du rapport.

La liste des auditions en annexe apporte, par défaut, une information importante : ont été interrogés des organisations syndicales et professionnelles, des organismes publics, des “personnalités qualifiées” et des experts, parmi lesquels aucun préventeur privé. Or ces préventeurs privés sont, concrètement et au quotidien, des acteurs majeurs du développement de la culture de prévention, principalement auprès des TPE qui ont peu de moyens humains à lui consacrer. Cette lacune éclaire une bonne partie des insuffisances du rapport Lecocq.

Bref, si le rapport Lecocq a le mérite d’ouvrir un débat d’ampleur sur l’organisation de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels, il ne pourra pas, du fait de ses lacunes et de ses contradictions, servir à lui seul de base à la réforme envisagée.

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