Autorité environnementale : les missions régionales sont débordées

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En décembre, un arrêt du Conseil d'État d'application immédiate a, à nouveau, conclu que les préfets ne pouvaient pas être autorité environnementale, ce qui pose un problème pour les dossiers de projets. En attendant un nouveau texte, ce sont donc les missions régionales d'autorité environnementale qui s'en occupent. Mais sans avoir obtenu des moyens supplémentaires.

En 2017, l’Autorité environnementale (Ae) a rendu près de 100 avis, annonce-t-elle dans son rapport annuel, présenté le 27 mars 2018. 78 portaient sur des projets (projets de transports pour beaucoup) et 18 sur des plans et programmes, notamment des créations ou révisions de chartes de PNR (parc naturel régional) et des documents d’urbanisme (voir graphiques). Elle a rendu 251 décisions, dont 89 sur des projets et 162 sur des plans programmes.



Crédit : CGEDD

Si le nombre d'avis a un peu diminué par rapport aux années précédentes, et que celui de décisions a augmenté, c'est notamment parce que les premiers effets des ordonnances de 2016 qui ont modifié le cadre réglementaire des études d'impact, avec un abaissement des seuils de soumission systématique et l'extension du recours au car par cas, se font ressentir, explique l'autorité.

Pour rappel, dans un avis, l'Ae est saisie par l'autorité décisionnaire et se prononce sur une demande d'autorisation, en se prononçant sur la qualité des évaluations et la prise en compte de l'environnement, alors que dans une décision, elles est saisie par le maître d'ouvrage d'un projet pour décider si une étude d'impact est nécessaire ou non.

Plus de 2 000 décisions pour les MRAe

En 2016 ont été créées les 19 MRAe (missions régionales d’autorité environnementale), pour traiter quasi-exclusivement des plans et programmes. En 2017, première année entière d’exercice, elles ont rendu un peu plus de 850 avis – dont 822 portaient sur des documents d’urbanisme tels les PLU (plans locaux d'urbanisme) et les Scot (schémas de cohérence territoriale) – et plus de 2 000 décisions.

Parmi ces dernières, près de 650 concernaient les zonages d’assainissement mais 79 d'entre elles ont conclu à qu'une autorisation environnementale était nécessaire. Un travail d’instruction qui prend du temps et qui pousse donc Philippe Ledenvic, président de l’Ae qui tenait une conférence de presse ce 27 mars 2018, à s'interroger sur la pertinence de soumettre ces dossiers de zonages d’assainissement au cas par cas.

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En attente d'un nouveau décret

Les membres de ces MRAe, qui travaillent avec des agents des Dreal, sont actuellement débordés. Dans une décision du 6 décembre 2017, le Conseil d’État étend aux projets sa jurisprudence concernant les plans et programmes : les préfets de région ne peuvent pas être autorité environnementale. Ils ne peuvent pas rendre un avis sur un projet alors qu'ils sont l'autorité compétente pour l'autoriser, car la compétence consultative n'est pas exercée par une entité ayant une autonomie réelle.

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En attente d'un nouveau décret venant réformer l'autorité environnementale, et comme la décision du Conseil d'État était d'application immédiate, les MRAe exercent les attributions de l’autorité environnementale pour ces projets. "Les MRAe assurent la continuité du service depuis fin décembre, selon le même mode de fonctionnement que pour les plans programmes", confirme l'Ae. Autrement dit, les Dreal adressent maintenant les projets d'avis aux missions régionales quand elles les envoyaient jusqu’alors au préfet. Dans son arrêt, le Conseil d'État a estimé que les MRAe étaient bien autonomes par rapport aux services déconcentrés qui sont sous l’autorité du préfet, à condition que ces services puissent détacher des moyens humains et administratifs dédiés à la mission, et que ces moyens soient placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission.

Mais les missions régionales n'ont pas davantage de moyens, et pas forcément les compétences nécessaires, alors, "un certain nombre de MRAe tirent la langue", décrit Éric Vindimian, membre permanent de celle de Paca. "On ne sent pas de pression de la part des préfets, mais on est débordés", poursuit-il. Ce fonctionnement transitoire conduit d'ores et déjà à un nombre croissant d'absences d'avis, y compris pour certains projets qui présentent des enjeux environnementaux importants, déplore Philippe Ledenvic.

Des moyens suffisants pour garantir l'indépendance ?

Quelle solution privilégier pour garantir l'indépendance de l'autorité environnementale ? Le président de l'Ae ne veut pas prendre position sur le sujet. "Quelle que soit l'option organisationnelle qui sera retenue, au terme d'une période transitoire que l'Ae souhaite très courte, des garanties devront être apportées pour que toutes les structures concernées disposent de façon perenne des compétences et plus largement des ressources nécessaires pour rendre des avis de qualité et cohérents sur l'ensemble du territoire". Le président de l'Ae a rappelé qu'elle était indépendante, grâce notamment à ses "délibérations collégiales et consensuelles". Bref, "on dit ce qu'on a à dire", assure-t-il.

 

 

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