Quand le personnel d'un hôpital est malade, c'est révélateur d'un risque grave

Classé dans la catégorie : Général

D'un côté, il y a l'employeur, qui conteste la décision d'expertise pour risque grave du CHSCT, estimant qu'elle n'est pas suffisamment étayée. De l'autre, le CHSCT, qui rapporte de nombreux signalements et témoignages révélateurs de souffrance au travail, et pointe l'absentéisme, des alertes du médecin du travail, et une hausse des accidents...

Par délibération du 30 juin 2015, les membres du CHSCT de l'Hôpital Américain de Paris décident d’une expertise en invoquant un risque grave. Contestant l'existence de ce risque grave, la direction saisit en référé le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir l'annulation de la délibération.

Juste des "indicateurs" de risque grave ?

Pour appuyer sa contestation, l’employeur met notamment en avant que la demande d'expertise du CHSCT ne reposait sur aucun fait précis mais sur de simples allégations. Pour preuve, le comité s’était contenté d’énumérer dans sa résolution un certain nombre de faits généraux et d’invoquer l'existence "d'indicateurs laissant percevoir l'émergence d'un risque grave". Selon l’employeur, le CHSCT ne pouvait pas compter sur les investigations de l’expert pour caractériser le risque grave, c’était à lui d’effectuer ce travail d’investigation.

Nombreux témoignages et signalements

Pourtant, d’après les constats des juges, des faits précis permettant de caractériser un risque grave, ne manquaient pas. Depuis le début de l'année 2014, le CHSCT avait recueilli de nombreux témoignages et signalements de la part de salariés relatant une attitude de menace et de harcèlement psychologique de l'encadrement, un climat de stress, d'intimidation et de peur, un mal-être et une souffrance au travail, une pression quasi-permanente dommageable pour la prise en charge des patients et des signes d'alerte de burn-out.

L'expertise était justifiée

À ces témoignages et signalements, venaient s’ajouter les éléments de preuve suivants :

  • en mai et juin 2014, le médecin du travail avait signalé au CHSCT une augmentation du nombre d'arrêts de travail et de visites médicales semblant liées à des situations de stress ou de mal-être ;
  • la direction de l’hôpital n'avait donné aucune suite à son engagement d'étudier l'éventuelle corrélation entre cette augmentation et le rythme de travail ;
  • en mars et mai 2015, le médecin du travail avait commenté à nouveau cette augmentation et confirmé l'existence d'une souffrance au travail ;
  • un absentéisme élevé au sein de la direction des soins infirmiers avait été évoqué par une responsable devant le comité d'entreprise en avril 2015,
  • le rapport de l'expert-comptable du CE du 23 novembre 2015 et les données fournies au CHSCT actualisées à cette date signalaient une augmentation de la charge de travail et des accidents du travail d'environ 40 % par rapport à l'année 2014,

Conclusion des juges : l’expertise du CHSCT pour risque grave était pleinement justifiée.

Recours du CSE à l'expertise

Comme le peut le CHSCT, le comité social et économique aura lui aussi le droit de se faire assister par un expert rémunéré par l'employeur lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement (article L. 2315-94 du code du travail).

Lire aussi : CSE : quelle est la procédure pour les expertises ?

Documents joints : Cass. soc., 24 janv. 2018, n° 16-21.517

 

 

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