Comment fonctionne le nouveau C2P, compte professionnel de prévention ?

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Dans les derniers jours de décembre, décrets et arrêtés sont venus finaliser le nouveau compte professionnel de prévention, issu de l'une des ordonnances Macron et désormais effectif. Facteurs de pénibilité, cotisations, réclamations... on fait le point sur ce qui change et ce qui reste.

Quatre décrets des 27 et 29 décembre 2017 et cinq arrêtés du 29 décembre mettent en œuvre la réforme du compte pénibilité voulue par Emmanuel Macron, portée par une des ordonnances de septembre. Exit l'idée et le terme de "pénibilité", remplacés par "risques professionnels" ou prévention, selon les cas.

Seuils, modalités de déclaration des expositions, d'utilisation des points ou encore de contestation : tout ceci reste globalement inchangé.

Avec plusieurs modifications clés : la déclaration ne porte plus que sur 6 facteurs au lieu de 10, la gestion du compte passe à la branche AT-MP de l'assurance-maladie, les 4 facteurs exclus font l'objet d'une nouvelle logique de réparation (retraite anticipée), l'obligation de négocier sur la prévention de la pénibilité – des risques professionnels – est revue.

Nous détaillerons dans nos prochaines éditions :

  • les nouvelles modalités de réparation pour les 4 facteurs exclus,
  • la réforme de l'obligation de négocier.

Lire l'article "Prévention des risques professionnels : l'obligation d'ouvrir une négociation est modifiée".

Plus que 6 facteurs sur 10

Désormais, le compte n'est plus géré par la Cnav (caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés) mais par la CnamTS (caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés). Avant, le C3P était financé par un fonds alimenté par les cotisations des employeurs : une cotisation de base et une autre indexée sur l'exposition des salariés de l'entreprise. Ces deux cotisations ont été supprimées à partir du 1er janvier 2018.

Désormais, le C2P est financé par la branche AT-MP du régime général de la sécurité sociale, financée par les cotisations patronales, et excédentaire depuis maintenant plusieurs années.

Quatre facteurs de pénibilité, auparavant pris en compte, sont exclus du C2P. Il s'agit de la manutention de charges lourdes, des postures pénibles, des vibrations mécaniques et des agents chimiques dangereux. Raison affichée : l'exposition était trop difficile à déterminée par les employeurs. Une exposition à ces facteurs peut en revanche permettre de partir plus tôt à la retraite.

À partir de quand ne mesure-t-on plus que 6 facteurs ?

Pour les années 2015, 2016 ainsi que pour les trois premiers trimestres de 2017 : les modalités de déclaration et de cotisation applicables sont celles en vigueur avant la publication de l’ordonnance.

Ainsi les 10 facteurs doivent-ils être pris en compte en 2017, jusqu'au 30 septembre, comme ils l'ont été au 2nd semestre de 2016.

En 2016, pour que les salariés exposés aux facteurs dont l’entrée en vigueur avait été décalée au 1er juillet 2016 "ne soient pas pénalisés", une circulaire avait aménagé le barème. Le gouvernement s'y était engagé à ce que "le nombre de points acquis dans le cadre d’une exposition à ces facteurs, tel que reporté au compte par la Cnav, [soit] doublé". Pour l'instant, aucune circulaire n'est parue pour 2017, et un tel dispositif n'a pas été évoqué.

Quant à la cotisation additionnelle, qui est due pour les salariés exposés et n'est définitivement supprimée (comme la cotisation de base) qu'à partir du 1er janvier 2018, elle se calculera pour 2017 en prenant en compte les 10 facteurs jusqu'au 30 septembre, puis les 6 restants pour la fin de l'année.

Restent donc six facteurs de risques professionnels :

  • travail de nuit,
  • travail en équipes successives alternantes,
  • travail répétitif,
  • activités exercées en milieu hyperbare,
  • températures extrêmes,
  • bruit.

Les seuils, définis par une intensité et une durée minimales, restent inchangés.

Facteurs de pénibilité Intensité minimale Durée minimale
Travail de nuit 1 heure de travail entre minuit et 5 heures 120 nuits/an
Travail en équipes successives alternantes Travail en équipe impliquant au minimum 1 heure de travail entre minuit et 5 heures 50 nuits/an
Travail répétitif - 15 actions techniques ou plus pour un temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes
- ou 30 actions techniques ou plus par minute pour un temps de cycle supérieur à 30 secondes, variable ou absent
900 heures/an
Activité en milieu hyperbare 1 200 hectopascals 60 interventions ou travaux/an
Températures extrêmes Température inférieure ou égale à 5° ou supérieure ou égale à 30° 900 heures/an
Bruit Exposition quotidienne à un bruit d'au moins 81 décibels pour une période de référence de 8 heures 600 heures par an
Exposition à des bruits impulsionnels (brefs et répétés) d'au moins 135 décibels 120 fois par an

Déclaration des expositions : comme avant

L'employeur déclare annuellement à la caisse de sécurité sociale le ou les facteurs de risques professionnels auxquels ont été exposés ses salariés, de façon dématérialisée via la DSN (déclaration sociale nominative). Il doit pour cela, exactement comme avec l'ancien compte pénibilité, apprécier l'exposition "après application des mesures de protection collective et individuelle". La déclaration doit toujours être "en cohérence avec l'évaluation des risques" prévue par le code du travail (article L. 4121-3) et se fait "au regard des conditions habituelles de travail caractérisant le poste occupé, appréciées en moyenne sur l'année", notamment à partir des données collectives qui figurent dans le DUER (document unique d'évaluation des risques) (article D 4161-1).

Pour s'aider – et ainsi être "présumé de bonne foi" comme le prévoit le code du travail (article L 4163-2) – il peut suivre un accord de branche étendu ou un référentiel de branche homologué. Mais encore peu ont vu le jour.

Lire aussi : Les référentiels pénibilité, certains s'y sont quand même collés...

Cumul et utilisation des points inchangés

Les salariés dont la durée de travail est supérieure ou égale à l'année civile cumulent 4 points lorsqu'ils sont exposés à un seul facteur et 8 points lorsqu'ils sont soumis à plusieurs. Pour ceux dont la durée du contrat est supérieure ou égale à un mois mais qui débute ou s'achève au cours de l'année civile, ils cumulent 1 point par trimestre durant lesquels ils ont été exposés à un facteur et 2 points pour plusieurs facteurs.

Pas de changement, donc, le C2P concerne toujours l'ensemble des salariés sous contrat d'au moins un mois, intérimaires compris. Il pourront au maximum cumuler 100 points au cours de leur carrière.

L'utilisation ne change pas non plus :

  • 1 point ouvre droit à 25 heures de formation pour accéder à un emploi moins exposé,
  • 10 points ouvrent droit à un trimestre à mi-temps au même salaire,
  • 10 points ouvrent droit à un un trimestre de retraite,

Les 20 premiers points sont obligatoirement utilisés pour la formation, sauf pour les assurés nés avant le 1er janvier 1960, qui peuvent les utiliser à leur guise, et pour ceux nés entre cette date et le 31 décembre 1962, qui doivent uniquement réserver à la formation les 10 premiers points.

La demande d'utilisation des points se fait en ligne par le salarié. S'il ne reçoit pas de réponse au bout de quatre mois, cela signifie que sa demande est rejetée.

Montant des sanctions désormais fixé

Si le salarié n'est pas d'accord avec la déclaration de son employeur, il doit d'abord l'en informer. Si l'employeur ne répond pas dans les deux mois, ou s'il rejette expressément la réclamation, le salarié a deux mois pour porter sa réclamation devant la CnamTS. Au bout de 6 mois, le silence de l'administration (après qu'elle a accusé réception de la demande) vaut son rejet. Reste alors le recours devant le Tass (tribunal des affaires de sécurité sociale). Attention, si le salarié n’a pas suivi la procédure complète (réclamation préalable auprès de l’employeur et de la caisse), "le recours est frappé d’une fin de non-recevoir" (article R 416237).

L'employeur peut rectifier sa déclaration jusqu'au 5 ou au 15 avril de l'année qui suit selon les cas, et jusqu'à trois ans après si la rectification est en faveur du salarié.

Jusqu'à présent, les pénalités qui sanctionnent l'employeur en cas inexactitude ou d'absence de déclaration étaient plafonnées. Elles sont désormais fixées, par l'un des décrets du 27 décembre 2017 : elles correspondent à 0,5 % du plafond de la sécurité sociale, soit environ 16 euros mensuels par salarié.

 

 

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