Le coût des cancers professionnels dans l’UE : entre 270 et 610 milliards d’euros

Les inégalités sociales de santé au cœur de la conférence de l’ETUI « Travail et cancer ».

« Les lieux de travail doivent être considérés comme des lieux de vie. Ce qu’on n’admettrait pas dans les domaines de la santé des consommateurs et de la protection de l’environnement ne peut être admis sur les lieux de travail ». C’est par ces mots que Laurent Vogel, chercheur à l’Institut syndical européen (ETUI), a conclu la conférence « Travail et cancer » organisée par son organisation les 14 et 15 novembre à Bruxelles.

L’évènement a été marqué par la problématique des inégalités sociales de santé, avec en point d’orgue le témoignage vibrant de trois femmes. Ces ex-ouvrières d’une usine des Pays-Bas produisant du Lycra pour le compte du géant américain de la chimie DuPont ont été exposées à un puissant solvant qui était utilisé pour produire la célèbre fibre synthétique. Leur santé en a été gravement affectée (cancers, problèmes gynécologiques), de même que celle de leurs enfants (mort-nés, fausses-couches, retards mentaux).

Après ces courageux témoignages, Marian Schaapman, qui dirige depuis octobre l’unité Conditions de travail, Santé et Sécurité de l’ETUI, a réitéré la demande syndicale d’inclure les toxiques pour la reproduction dans la directive européenne sur les cancérogènes et les mutagènes au travail, actuellement en cours de révision.

Ce cas néerlandais illustre le phénomène d’invisibilité des maladies professionnelles, qui est d’autant plus inacceptable qu’il touche souvent plus fortement les travailleurs les plus précaires (« travailleurs atypiques », femmes, ouvriers peu qualifiés).

Au cours des deux jours de débats, des chercheurs ont en effet mis en évidence la persistance de ces mécanismes d’oblitération des inégalités sociales de santé. David Gee, professeur à l’université Brunel de Londres, a multiplié les exemples. Avant les années 1950, les travailleurs des usines britanniques de caoutchouc ont, dans l’indifférence générale, été décimés par des cancers de la vessie causés par leur exposition aux amines aromatiques. Dans le cas de l’amiante, le pic d’exposition s’est même produit au cours des deux décennies qui ont suivi la confirmation scientifique des effets cancérogènes de cette fibre.

Une étude sur les coûts des cancers professionnels dans l’Union européenne, commandée par l’ETUI à un bureau d’experts, montre que ce sont les travailleurs manuels qui restent les plus exposés aux cancérogènes. En France, par exemple, 36 % des cas de cancer du poumon, 10% des cancers de la vessie et 10 % des cancers du pharynx sont liés à des expositions professionnelles. Ces localisations sont souvent associées à des cancérogènes bien connus dans la construction et l’industrie (amiante, silice, chrome VI, poussières de bois, hydrocarbures polycycliques aromatiques, etc.). Lire la suite de l'article...

 

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