Harcèlement moral et absence de réaction du RRH : sa responsabilité peut être engagée !

Classé dans la catégorie : Institutionnels

Lorsque l’employeur met en place un management nuisant aux conditions de travail des salariés, que risquent les éventuels collaborateurs s’ils n’interviennent pas ? La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur cette question à propos de la responsabilité d’une responsable ressources humaines qui n’avait pas dénoncé les faits de harcèlement moral dont elle était témoin...

L’obligation de sécurité de résultat : principe et tempéraments

L’employeur a l’obligation de préserver la sécurité et de la santé de ses travailleurs (Code du travail, art. L. 4121-1). Traditionnellement, les juges considéraient qu’il s’agissait d’une obligation de résultat ayant pour effet, dès lors que le dommage se produit, d’engager systématiquement la responsabilité de l’employeur peu important les mesures prises ou mises en œuvre.

Mais depuis 2015, l’obligation de sécurité de « résultat » a été tempérée par les juges. En effet, dans le cadre de l’affaire « Air France », la Cour de cassation a imposé aux juges du fond de vérifier les moyens mis en œuvre par l’employeur avant de le condamner pour non-respect de son obligation de sécurité. A partir du moment où l’employeur a fait le nécessaire en son pouvoir pour éviter que le dommage ne se produise, il ne pourra être condamné pour n’avoir pas respecté l’obligation de sécurité et de protection de la santé des salariés.

La Cour de cassation a réaffirmé cette position concernant le harcèlement moral (voir l’article « Responsabilité de l’employeur en cas de harcèlement moral »).

Pour remplir son obligation de sécurité, l’employeur doit donc mettre en place des mesures de prévention pour éviter que le risque ne se produise (actions de prévention des risques professionnels, actions de prévention de la pénibilité, sessions d’informations et de formations).

L’employeur ne doit pas prendre de mesures directe ou indirecte ni laisser s’installer des comportements qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et/ou la sécurité des salariés.

A défaut, l’employeur peut être condamné à verser des dommages intérêts aux salariés concernés.

L’auteur de faits susceptibles de porter atteinte à la santé et à la sécurité des salariés peut être multiple : l’employeur, un directeur, un responsable et même un salarié.

L’employeur qui a connaissance de faits de harcèlement par un de ses subordonnés à l’égard des autres collaborateurs de l’entreprise peut engager à son égard à une procédure disciplinaire pouvant conduire jusqu’à son licenciement pour faute grave.

Si la responsabilité de l’employeur peut être engagée lorsqu’il n’a pas respecté son obligation de sécurité de résultat, qu’en est-il des collaborateurs de l’entreprise qui constateraient des manquements à cette obligation de la part de l’employeur ? Ont-ils une obligation particulière à dénoncer ces agissements ?

Selon le poste occupé, la responsabilité du collaborateur peut en effet être engagée. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans l’arrêt ici commenté à propos d’un responsable ressources humaines.

Non-respect de l’obligation de sécurité et sanction du RRH

Une responsable ressources humaines qui a connaissance du comportement manifestement abusif voire harcélogène de son directeur et qui n’agit pas pour dénoncer ces faits peut-elle être licenciée pour faute ? Oui selon la Cour de cassation.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 8 mars 2017, n° 15-24.406 (pdf | 8 p. | 71 Ko)

En l’espèce, une salariée embauchée en qualité d’employée de bureau puis de responsable ressources humaines est licenciée en 2011. A l’appui de son licenciement, il lui est reproché son inaction face au comportement abusif voire « harcélogène » de son directeur vis à vis des salariés de l’enseigne. Contestant cette mesure, elle saisit les juridictions.

Déboutée par le conseil des prud’hommes et la cour d’appel, elle se pourvoit en cassation.

Au soutien de son pourvoi, la responsable des ressources humaines estime qu’un salarié ne peut être sanctionné disciplinairement lorsque le manquement qui lui est reproché résulte d'un comportement fautif de l'employeur. Elle ajoute que le magasin au sein duquel elle travaille n’avait mis en oeuvre aucun moyen organisationnel permettant à la salariée de dénoncer les agissements de son directeur.

Mais la Cour de cassation n’entend pas ses arguments et rejette le pourvoi. Elle estime, tout comme la cour d’appel, que la salariée embauchée au poste de responsable ressources humaines, travaillait en très étroite collaboration avec le directeur du magasin. Elle avait connaissance du comportement inacceptable de celui-ci à l'encontre de ses subordonnés et pouvait même, selon les rapports soutenus en justice, s'y associer. De plus, elle n'avait rien fait pour mettre fin à ces pratiques alors que compte tenu de sa fonction, elle avait une mission particulière en matière de management. Il relevait donc de ses fonctions de veiller au climat social et à des conditions de travail « optimales » pour les collaborateurs. De surcroit, la définition contractuelle de ses fonctions précisait qu'elle devait « mettre en oeuvre, dans le cadre de la politique RH France, les politiques humaines et sociales » et que le responsable des ressources humaines est « un expert en matière d'évaluation et de management des hommes et des équipes ».

Ainsi, en cautionnant les méthodes managériales inacceptables du directeur du magasin avec lequel elle travaillait en très étroite collaboration, et en les laissant perdurer, la salariée avait manqué à ses obligations contractuelles et avait mis en danger tant la santé physique que mentale des salariés.

Le licenciement était donc justifié.

Editions Tissot

 

 

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