Pendant que l'absentéisme augmente, salariés et DRH ne parlent pas le même langage

Classé dans la catégorie : Général

Les salariés évoquent les conditions de travail et l'ergonomie ; les DRH leur répondent objectifs personnels, rémunération, ou télétravail. Un enseignement tiré de l'étude du cabinet Ayming. Si 45 % des DRH mettent en place des actions, toutes n’ont pas la même efficacité.

Nombre d’arrêts maladie, d’accidents de travail/trajet ; de maladies professionnelles ou encore d’absences injustifiées… 84 % des DRH mesurent et suivent le taux d’absentéisme de leurs salariés, selon le baromètre annuel réalisé par la société Ayming (ex-Alma Consulting Group) qui a sondé 250 professionnels RH. Et des ateliers aux open-spaces, le constat est le même : il progresse en France. Le taux d’absentéisme s’élève à 4,76 % en 2016, contre 4,55 % en 2015. Soit 16,6 jours d’absence par an par salarié. Phénomène nouveau : les cadres sont de plus en plus concernés. Or, jusqu’ici, "ils étaient assez protégés", pointe Yannick Jarlaud, directeur associé d’Ayming et responsable de l'étude. "Ils se considéraient comme des acteurs de la transformation de l’entreprise, disposaient d’une certaine autonomie et bénéficiaient d’une certaine reconnaissance." Preuve d’un certain malaise. En particulier pour les cadres qui n’ont pas de responsabilités de management. Or, les absences à répétition coûtent cher à l’entreprise et pénalisent les salariés sur lesquels retombe le travail supplémentaire. D’où la nécessité d’endiguer le syndrome.

Quantifier le phénomène

Pour ce faire, l’une des premières étapes est de quantifier le phénomène : qui s’absente ? À quelle fréquence ? Pour quelles raisons ? Pendant combien de temps ? Les résultats sont à nuancer selon le secteur de l’entreprise. Les plus touchés sont les services (5,65 %) et le transport (5,40 %). Mais la taille de l’entreprise n’a pas d’impact direct sur l’absentéisme. "Le taux varie davantage en fonction de la taille des équipes dans les entreprises", assure Yannick Jarlaud. Même si les salariés des PME de moins de 100 salariés sont globalement plus présents que la moyenne nationale. En revanche, l’âge du salarié a un lien direct. Plus celui-ci est âgé et plus il est absent. Les absences touchent 3 % des salariés de moins de 30 ans, quand elles sont à plus de 6,55 % chez les plus de 55 ans. Des profils seniors qui comme l’indique l’étude font l’objet "d’absences longues". Le genre a aussi son importance. Les femmes sont plus absentes car "elles supportent davantage les contraintes familiales que les hommes et sont plus affectés par les troubles musculo-squelettiques", relève Yannick Jarlaud. Concrètement, elles totalisent 18 jours d’absence en moyenne contre 13,6 jours pour les hommes.

Identifier les causes

Reste ensuite à identifier les causes de l’absentéisme. Car si 44% des absences concernent des motifs liés à la santé ; 56% sont dues à un motif professionnel: charge de travail, rémunération insatisfaisante, ambiance entre collègues, conditions de travail dégradées, manque de reconnaissance et de soutien…. L’absentéisme est donc un thermomètre. Il reflète en partie la pénibilité du travail ou du climat social. L’étude étudie le rapport au travail des salariés et établit un lien clair entre bien-être au travail et les raisons qui poussent à s’absenter. "Nous avons demandé aux gens si ils étaient heureux et motivés dans leur job, indique Yannick Jarlaud. Puis nous leur avons demandé quelles raisons étaient susceptibles de les faire s’absenter de leur travail. Ceux qui se disent heureux mettent en avant des raisons personnelles tandis que ceux qui sont ouvertement malheureux et démotivés, pointent du doigt la mauvaise organisation au travail". Une chose est sûre : le lien entre absentéisme et engagement est ici clairement identifié.

Signaux faibles

"Les DRH doivent donc bien analyser les données d’absence dont ils disposent afin de tenter de cibler les personnes concernées, de déterminer leur cadre de travail et d’envisager des actions". 45% d’entre eux déclarent avoir, d’ores et déjà, engagé un projet de prévention de l’absentéisme : 45 % depuis plus de 3 ans ; 34 % depuis au moins un an. Pour les secteurs des transports et de la santé qui ont des taux d’absentéisme élevés, la majorité des DRH n’ont pas initié de projet. En amont, "il est, toutefois, indispensable de former l’encadrement à l’identification et à la prise en charge des signaux faibles", alerte Yannick Jarlaud. Car des signes avant-coureurs existent : le fait de faire "juste" son travail ; de ne "plus être une force de proposition" ou encore le fait de "moins communiquer ou coopérer avec mes collègues", voire "l’isolement"… sont autant d'indices de désengagement avant le passage à l’acte. "L’absence n’arrive qu’à la dixième place des attitudes d’un salarié désengagé".

Le tout-coercitif plutôt néfaste

Ensuite, comment agir ? Le tout-coercitif, est souvent plus néfaste qu’utile. Parmi ces mesures, la contre-visite médicale, utilisée par 70% des DRH sondés ne recueille que 30% de satisfecit. "Cette méthode peut même se révéler contre-productive, prévient Yannick Jarlaud. Car elle peut être jugée comme culpabilisante pour le salarié voire discriminante." De même, les actions disciplinaires n’ont qu’un impact limité sur l’absentéisme. Enfin, la communication sur les chiffres de l’absentéisme comme la mise en place d’une GPEC donnent des résultats très nuancés.

Conditions de travail et ergonomie / Objectifs et rémunération

Autre enseignement : les salariés et les DRH ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde. Car si les premiers plébiscitent l’amélioration des conditions de travail, l’ergonomie des postes de travail, l’investissement dans l’achat de matériel favorisant la santé ou encore la formation de l’encadrement à la santé et à la sécurité ; les actions jugées très efficaces par les seconds concernent la mise en place d’objectifs individuels et de rémunération associée, la crèche pour les enfants du personnel ou encore le télétravail. Entre les deux visions, plusieurs pistes d’amélioration existent, en fonction du rapport au travail. Les salariés "heureux" mettent en avant, parmi leurs facteurs de motivation, les relations dans le travail et le contenu du travail. Les collaborateurs "pas concernés et pas heureux" pointent le manque de reconnaissance et les lacunes en matière de développement professionnel. "Il faut donc travailler sur la qualité de vie au travail et de l'épanouissement professionnel", poursuit Yannick Jarlaud. Soit autant de leviers à actionner pour les DRH. En toute urgence !

 

 

 

 

Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.

Les derniers produits des risques professionnels