"Le coup d'après, c'est de faire de la prévention primaire"

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Et si la santé au travail de demain, c'était de faire – pour de vrai ! – de la prévention ? C'est en tout cas ce que croient ceux qui voient les chiffres des accidents du travail stagner, comme la CnamTS, et qui pensent qu'on ne pourra passer ce palier qu'en regardant l'organisation du travail.

Qu'est-ce qu'avoir une "culture de prévention" dans une entreprise ? Hervé Lanouzière, directeur général de l'Anact (association nationale pour l'amélioration des conditions de travail), décrit une situation dans laquelle beaucoup se reconnaîtront. Avant que chacun ne se mette au volant de son chariot automoteur, ce matin-là, toute l'équipe avait participé à la "minute de sécurité", rappelant qu'il est impératif d'utiliser la ceinture de sécurité. 5 minutes plus tard, le manager de proximité s'aperçoit qu'aucun des travailleurs ne respecte la consigne. Que doit-il faire : leur demander de s'arrêter et sanctionner ou fermer les yeux ? "La culture de prévention, c'est le moment où ce manager se demande spontanément pourquoi ses collaborateurs ne mettent pas leur ceinture", expose Hervé Lanouzière, à l'occasion d'une conférence au salon Expoprotection, qui se tient jusqu'à mercredi à Paris. Ce manager découvrira alors sans doute que si les membres son équipe ne s'attachent pas, c'est parce qu'ils doivent en permanence descendre et monter du chariot, parce que les flux ne sont pas dans le bon sens, parce qu'il faut ajuster un élément mal positionné auparavant, etc.

"Sur un palier que l'on ne parvient pas à franchir"

Prévenir ne se fonderait ainsi pas tant sur le comportement des travailleurs face à des prescriptions de sécurité, que sur l'analyse des contraintes auxquelles ils sont soumis, et des ressources dont ils disposent pour faire leur travail. Si cela fait des années que l'on entend parler avec insistance de prévention – au moins depuis l'inscription dans la loi des neuf principes généraux de prévention, en 2008 – il n'est pas certain que les entreprises soient réellement entrées dans l'ère de la prévention. "Depuis les années 1950, la sinistralité n'a fait que diminuer. Le L'indice de fréquence d'un accident du travail est aujourd'hui de 34 / 1000 ; il était de 150 pour 1000 dans les années 1950", fait remarquer Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la CnamTS. "Mais aujourd'hui, on est sur un palier que l'on ne parvient pas à franchir", commente-elle.

Réparation / protection / prévention

Historiquement, les risques professionnels ont d'abord été pris en compte sous l'angle de la réparation, il y a plus d'un siècle. Puis est venu le temps de la protection, avec son lot de normes techniques quant à la sécurité des machines, misant sur une obligation de moyens. "Le coup d'après, c'est de faire de la prévention primaire, qui va penser la sécurité au travail très en amont, chercher à voir ce qui dans mes conditions de travail, dans mon organisation du travail, va mettre en difficulté la santé au travail", affirme Hervé Lanouzière. Le nouveau plan santé au travail, PST3, met la prévention sur le devant de la scène (voir notre article). Cela lui a valu d'être critiqué par ceux qui estiment que la prévention ne se résume souvent qu'à de belles idées, mais laisse les plus précaires exposés – aux agents chimiques dangereux, à la pénibilité, etc. – et qui goûtent peu le concept de qualité de vie au travail. Néanmoins, que cela soit à la CnamTS, à l'INRS, à l'Anact ou à l'OPPBTP, le programme prioritaire, est bien celui consacré à la prévention, en misant sur un changement en profondeur, qui commence en formation initiale.

Le DU, une obligation au fond du tiroir

Faire de la prévention une obligation réglementaire, cela ne fonctionne pas pleinement. En témoigne cette étude de l'OPPBTP : sur un millier d'entreprises du secteur interrogées, 82 % indiquent avoir réalisé leur document unique (voir notre article). "Certes, c'est un bon résultat !", commente Marie-Christine Guillaume, directrice des services et prestations à l'OPPBTP. Le hic, c'est que parmi ces entreprises, moins de la moitié ont fait un plan d'action en même temps que leur document unique. Et pour celles qui n'ont pas fait de plan d'action, le DU est clairement une obligation réglementaire rangée au fond d'un tiroir. Lorsque obliger ne suffit pas, toucher les entreprises au porte-monnaie peut être un levier, mais encore faut-il être sûr de pouvoir chiffrer le gain de performance.

Prévention et performance

"Jusqu'où va-t-on dans les impacts ? C'est très compliqué d'évaluer de façon objective le gain de performance d'une entreprise qui fait de la prévention", reconnaît Marine Jeantet, qui voit pourtant bien le coût de l'absentéisme dans certaines entreprises, clairement identifiées comme fortement pourvoyeuses d'arrêts de travail. Des études montrant par exemple que chaque euro investi dans la prévention permet d'en gagner au moins 2 (voir notre article) sont régulièrement relayées, mais elles ne semblent pas toujours convaincre. "Sans s'occuper de la santé au travail, on peut faire de la performance économique… à court terme", ajoute Hervé Lanouzière, insistant lui aussi sur l'importance de documenter et d'objectiver les gains, au-delà même des coûts évités. La "minute sécurité" du manager de demain apprendra-t-elle à réfléchir au triptyque "santé au travail – prévention – performance" ?

 

 

 

 

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