"Nous sommes à l'époque du travailleur vieillissant..."

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En 2030, près d'un tiers des travailleurs européens sera âgé de plus de 55 ans. "Pour réellement pouvoir partir à la retraite plus tard, il faut rendre le travail soutenable", déclare la commissaire européenne Marianne Thyssen. L'EU-Osha lance sa nouvelle campagne.

Saviez-vous qu’en vieillissant, on régule moins bien la température de son corps ? Ce qui signifie que l’on va moins facilement supporter la chaleur et le froid, que l’on va avoir du mal à s’acclimater aux différences de températures, et que l’on va être davantage sujet aux hypothermies comme aux coups de chaud. En fonction des individus, ces changements peuvent être plus ou moins marqués, survenir plus ou moins tôt. Lorsqu’il s’agit de travailleurs, les conséquences sur le travail peuvent ne pas être anodines et le risque d’accident augmente. Cela suppose que celui qui manage les questions de santé et de sécurité au travail en soit averti et prenne les mesures nécessaires. L’exemple est tiré d’un e-guide de l’EU-Osha (agence européenne pour la santé et la sécurité au travail) mis en ligne le 18 avril 2016 à l’occasion de la nouvelle campagne de 2 ans de l’agence "Des lieux de travail sains, pour tous les âges".

2030 : 30% de travailleurs plus de 55 ans

En 2030, au moins 30 % des actifs européens auront plus de 55 ans. Et aujourd’hui, ils sont 27 000 à estimer qu’ils ne seront plus capables de travailleurs à leur poste actuel lorsqu’ils auront 60 ans. "Nous sommes à l’époque du travailleur vieillissant. La moyenne d’âge des travailleurs augmente et ignorer les défis associés ne fait que nous exposer à de plus grandes difficultés, alors que l’inaptitude est déjà aujourd’hui une des principales raisons de la fin d’un contrat de travail en Europe", présente Christa Sedlatschek, directrice de l’EU-Osha. Mais attention, insiste-elle, "cette nouvelle campagne n’est pas sur l’âge en lui-même mais sur le vieillissement des travailleurs ; ce n’est pas une question d’âge, il s’agit de comment on vieillit à travers une vie de travail". "Avec l'augmentation de l’âge des départs à la retraite, les gens doivent être une part active de la main-d’œuvre durant plus longtemps, il en va de la soutenabilité de nos systèmes de sécurité sociale", fait remarquer le député européen danois Ole Christensen (membre du parti social-démocrate).

Travail soutenable

Au travers de cette campagne, l’Osha entend avant tout promouvoir la prévention en matière de santé et sécurité au travail, à travers le rappel, "opportun", que les jeunes travailleurs d’aujourd’hui seront les vieux de demain. "Pour réellement pouvoir partir à la retraite plus tard, il faut bien vieillir, il faut rendre le travail durable, soutenable", déclare la commissaire européenne à l’emploi et aux affaires sociales Marianne Thyssen. "Et cela améliore bien évidemment la productivité !", ajoute-elle aussitôt. Pour Peter Scherrer, secrétaire général adjoint de la CES (confédération européenne des syndicats) – qui "soutiendra activement cette campagne afin d’améliorer l’évaluation des risques et d’encourager les bonnes pratiques auprès des travailleurs, des employeurs, des chercheurs et autres acteurs" –, cela ne fait pas de doute. "L’Europe est confrontée à une main-d’œuvre vieillissante et les conditions de travail doivent en tenir compte, syndicats et employeurs ont un intérêt commun évident à aider les personnes à se maintenir en bonne santé au travail étant donné l’allongement de la vie professionnelle."

Une évaluation des risques différenciée

À l’EU-Osha, Katalin Sas sera aux manettes, face à ces "challenges émergents que représentent davantage de travailleurs avec des maladies chroniques, de l’absentéisme et une moindre productivité". La directrice de projet souhaite jouer sur plusieurs curseurs, et sans doute répétera-t-elle inlassablement, dans les deux ans qui viennent, que "la santé lorsqu’on est vieillissant est affectée par les conditions de travail dans les premières années". "La pierre angulaire du management de la santé-sécurité au travail est l’évaluation des risques. Mais tous les individus sont différents : l’évaluation des risques doit en tenir compte", explique-t-elle, et elle entend promouvoir de telles évaluations. Tout comme l’adaptation du poste de travail en fonction des âges et des capacités – "un processus dynamique et continu, tout au long de la vie professionnelle" –, la formation continue – "particulièrement importante pour les travailleurs âgés, pour prévenir l’érosion des savoirs" –, et les politiques sur l’équilibre vie professionnelle/vie privée.

Passage en revue du corpus SST

L’agence se veut facilitatrice. Pour la diffusion des informations, par la création d’outils, en étant un lieu d’échange de bonnes pratiques. Mais ne faudrait-il pas agir au niveau législatif ? Promouvoir le travail soutenable dans le cadre législatif communautaire est une nécessité, selon Ole Christensen, et il fait remarquer que c’est souligné dans les objectifs stratégiques de l’EU-Osha pour 2014-2020. La Commission européenne est en train de passer en revue tous les textes sur la santé-sécurité au travail dans l’Union. "Un corpus de 24 directives, ce n’est pas rien !", s’exclame Marianne Thyssen, assurant que l’objectif est de "conclure avant fin 2016". "Alors, nous nous interrogerons : est-ce qu’il faut protéger contre de nouveaux risques ? Est-ce qu’il faut pour cela de nouveaux textes ?" La commissaire reconnaît que "d’importants débats sont en cours sur le futur paysage de la sécurité et de la santé au travail dans l’UE".

Pilier européen des droits sociaux

La Commission européenne vient d’adopter le "pilier européen des droits sociaux", première étape de ce qui pourrait devenir, à terme, "un cadre de référence permettant d’évaluer les performances dans le domaine social et de l’emploi des États membres participants, d’orienter les réformes à l’échelon national et, de manière plus spécifique, d’indiquer la direction à suivre pour renouer avec la convergence dans la zone euro". "La santé et la sécurité au travail en est un des éléments clés", assure Stefan Olsson, qui travaille aux côtés de Marianne Thyssen à la Commission. "Nous avons besoin d’aider les gens à rester au travail aussi longtemps qu’ils le souhaitent", ajoute-il.

"Une législation solide" et "une stratégie intelligente"

La CES a une idée bien précise de ce qui pourrait permettre ceci : la confédération syndicale a défini ses priorités législatives : "la reconnaissance de valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes pour 50 substances tenues pour responsables de cancers liés au travail (une augmentation significative par rapport aux 5 substances actuellement soumises à de telles limites) ainsi qu’une réglementation portant sur les nanoparticules, les risques psychosociaux y compris le stress, la violence et le harcèlement et les douleurs dans la nuque, le dos et les coudes". Pour Esther Lynch, secrétaire confédérale de la CES, "l’UE doit opter pour une approche large incluant santé, sécurité et bien-être à travers une législation solide et la mise en œuvre d’une stratégie intelligente en la matière". Dans quelques semaines, Marianne Thyssen annonce qu’elle espère être en mesure de présenter "une proposition législative pour mieux protéger les salariés contre les cancers professionnels".

 

 

 

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