Alcool et travail : les liaisons dangereuses

L'alcool est responsable de 50 000 décès par an en France. Il est, avec le tabac, l'une des deux substances psychoactives les plus consommées en France, dans la population générale comme chez les travailleurs.

Sa consommation peut mettre en danger la santé et la sécurité des salariés ainsi qu'être à l'origine d'accidents du travail. Elle est par ailleurs susceptible d'être favorisée par certains facteurs liés au travail lui-même. Comme pour l'ensemble des pratiques addictives, les risques liés à l'alcool doivent faire l'objet d'une démarche de prévention associant la mise en place de mesures collectives à la gestion des situations individuelles.

La consommation d'alcool est très répandue dans la population active. Plus de 16 % des actifs occupés déclarent avoir consommé de l'alcool sur leur lieu de travail au moins une fois dans l'année, en dehors des pots et des repas. Rapporté à l'échelle d'une semaine, cela concerne 3,5 % des travailleurs. Parmi les consommateurs, 7 % ont des consommations dites abusives, à savoir répétées et induisant des dommages dans les domaines somatiques, psychoaffectifs et sociaux. 1 % sont dépendants, c'est-à-dire qu'ils ne maîtrisent pas leur envie de consommer. Plusieurs situations dans la vie quotidienne déclenchent, chez ces personnes, une envie irrésistible de boire de l'alcool. Le problème des pratiques addictives liées à l'alcool existe quelles que soient les professions. Tous les niveaux hiérarchiques sont touchés.

Une consommation parfois liée au travail

Comme pour les autres substances psychoactives, trois mécanismes, dont deux relevant directement du travail, sont à l'origine de la consommation d'alcool au travail. Ces mécanismes sont indépendants mais peuvent parfois s'additionner. Le premier est un mécanisme dit d' « importation » : la consommation émanant de la vie privée du travailleur déborde sur le cadre professionnel. Le deuxième est appelé « acquisition » : la consommation d'alcool est organisée dans le cadre du travail à l'occasion de pots ou de repas d'affaires et s'inscrit dans la culture du métier, au départ dans l'objectif de favoriser le lien social ou la production. Enfin, il existe un mécanisme dit d'« adaptation » : le travailleur boit pour « tenir le coup » au travail. Des études ont montré un lien entre certaines contraintes de travail et la consommation d'alcool. C'est notamment le cas du travail en plein air (lorsqu'il représente plus de la moitié du temps de travail), des postures pénibles, du port de charges lourdes, des déplacements et de l'exposition aux secousses et aux vibrations.

50 000 décès par an dus à l'alcool

Les effets sur la santé de l'alcool sont divers et certains apparaissent dès le premier verre. Parmi les effets immédiats, on peut citer la diminution des réflexes, les troubles de la vigilance, une perturbation de la vision, de l'estimation des distances et de la coordination des mouvements, ainsi qu'un effet désinhibant qui peut amener à prendre des risques. 20 % des accidents du travail seraient liés à la consommation d'alcool. Selon l'étude « Stupéfiants et accidents mortels » publiée par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, le sur-risque d'être responsable d'un accident mortel lors de la conduite avec une alcoolémie non nulle est de 8,5. Lors de la conduite sous l'influence du cannabis, ce sur-risque est de 1,8 dès que les prélèvements sanguins sont positifs. Par ailleurs, la consommation d'alcool a des conséquences sur la santé à plus long terme et une influence sur le développement de certaines maladies : cancers, maladies cardiovasculaires et digestives, maladies hépatiques, maladies du système nerveux et troubles psychiques (dépression). Dans la population générale, en France, on estime que l'alcool est responsable de 50 000 décès par an.

Prévention collective et suivi individuel

En termes de prévention, il est nécessaire d'inscrire les risques liés à l'alcool et aux substances addictives dans le document unique d'évaluation des risques. Une réflexion collective, au sein de l'entreprise, dirigée par l'employeur et regroupant plusieurs acteurs (employeur, représentants des salariés, CHSCT, services de santé au travail...) doit être organisée. Le comité de pilotage ainsi constitué va travailler à l'élaboration concertée de la démarche de prévention collective, sans oublier de prendre en compte des cas individuels. Ses membres doivent au préalable avoir bénéficié d'une information sur les conduites addictives et, si nécessaire, d'un accompagnement dans l'élaboration de la démarche de prévention. Les actions de prévention pourront porter sur : l'information du personnel et de la hiérarchie, l'encadrement des pots et repas d'affaires, la prévention de situations de travail favorisant la consommation de substances psychoactives, la définition des signaux et indicateurs d'alerte et la conduite à tenir face à un trouble du comportement, l'identification des ressources internes et externes à l'entreprise...

Enfin, parmi les missions des services de santé au travail figurent le conseil auprès des employeurs, des travailleurs et de leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires pour prévenir la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, réduire la désinsertion professionnelle et contribuer au maintien dans l'emploi des travailleurs (article L. 4622-2 du Code du travail).

Addictions et document unique

La consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, drogues, médicaments psychotropes), qu'elle soit occasionnelle – même à faible dose – ou répétée, comporte des risques pour la santé et la sécurité des salariés de tous les secteurs d'activité. Elle a notamment un impact sur la survenue d'accidents du travail. Les risques liés aux pratiques addictives doivent figurer dans le document unique et la stratégie des entreprises combiner la mise en place d'une démarche de prévention collective et la prise en charge individuelle.

Pots et repas d'affaires

Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre ou le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, conformément à l'article R.4228-20 du Code du travail. Dans la mesure ou l'employeur autorise la consommation de boissons alcoolisées lors de pots ou de repas d'affaires, certaines mesures de prévention doivent être mises en place :

  • Prévoir un délai suffisant avant la reprise d'une activité. Un verre d'alcool fait en moyenne augmenter l'alcoolémie de 0,2 à 0,25 g/l et l'organisme met environ 1h30 pour l'éliminer.
  • Rappeler les risques ainsi que les aides existantes au sein et en dehors de l'entreprise.
  • Ne pas pousser à la consommation d'alcool, limiter les quantités de boissons alcoolisées proposées, fournir systématiquement des boissons non alcoolisées et de quoi se restaurer.
  • Mettre des éthylotests à disposition du personnel pour qu'il puisse s'auto-évaluer de manière anonyme.
  • Rappeler la procédure à suivre face à un salarié dans l'incapacité de reprendre son travail et/ou de conduire son véhicule en toute sécurité.

En présence d'apprentis ou de mineurs, la question de la pertinence de la mise à disposition d'alcool doit également être posée. Ce que dit le Code du travail :

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