Les 5 "principes essentiels" de la santé-sécurité au travail selon le rapport Badinter

Classé dans la catégorie : Institutionnels

"Faire la lumière sur ce qui importe et laisser dans l’ombre ce qui est second". Telle est l’idée de Robert Badinter sur l’architecture du code du travail. Parmi les 61 fondamentaux : l’obligation de sécurité de résultat et l'accès aux services de santé au travail.

"Formuler les principes, c’est faire la lumière sur ce qui importe et laisser dans l’ombre ce qui est second." L’ancien président du Conseil constitutionnel et ancien garde des Sceaux Robert Badinter a remis hier, lundi 25 janvier 2016, le rapport au Premier ministre du comité (1) qu’il présidait sur les principes essentiels du droit du travail. Il en distingue en tout 61, groupés en 8 grands chapitres, dont l’un serait consacré à la santé et sécurité au travail, où sont ainsi listés 5 principes. Rien de nouveau, si ce n’est la concision. Les 5 articles affirment l’obligation de sécurité de résultat, le droit de retrait en cas de danger grave et imminent, l’accès à un service de santé au travail indépendant, la situation d’incapacité au travail et la prise en charge spécifique en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

SST : les 5 droits fondamentaux

Article 39

L’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des salariés dans tous les domaines liés au travail. Il prend les mesures nécessaires pour prévenir les risques, informer et former les salariés.

Article 40

Le salarié placé dans une situation dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé alerte l’employeur et peut se retirer de cette situation dans les conditions fixées par la loi.

Article 41

Tout salarié peut accéder à un service de santé au travail dont les médecins bénéficient des garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de leurs missions.

Article 42

L’incapacité au travail médicalement constatée suspend l’exécution du contrat de travail.

Article 43

Tout salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie de garanties spécifiques.

Un "système de références"

Ces principes – "dégagés" tant des textes constitutionnels, législatifs, internationaux et européens que des jurisprudences constitutionnelle, judiciaire et administrative – auraient vocation à figurer "dans un chapitre autonome placé en tête du code du travail", explique Robert Badinter. "Ils constitueront un système de références pour ceux qui auront pour mission d’interpréter les règles et de les appliquer", est-il précisé en introduction du concis rapport. L’ancien garde des Sceaux insiste sur le rôle protecteur du code du travail, dont les dispositions doivent notamment permettre d’assurer les "libertés et droit de la personne au travail" (ce serait l’intitulé du premier chapitre), et ainsi assure le contrepoids de la situation de subordination dans laquelle se trouve le travailleur vis-à-vis de son employeur.

À droit constant

Il est bien précisé que "le comité a travaillé à droit constant, c’est-à-dire en fondant son analyse sur les dispositions actuelles du droit du travail". "Il ne s’est pas cru autorisé, à regret parfois, à proposer de nouvelles dispositions ou à formuler des suggestions." Ce sera le rôle de la commission de refondation du code du travail, qui doit désormais prendre le relais, "dans le respect des principes identifiés par le comité". Elle devrait continuer le travail de classement et de refonte architecturale du code du travail, en ajoutant, sous ces "principes essentiels", le champ ouvert aux négociations de branches ou d’entreprises, ainsi que le droit applicable en l’absence d’accord.

Et maintenant ?

Avec la remise du rapport Badinter, Manuel Valls se félicite d’ouvrir "la réécriture en profondeur de notre code du travail pour le rendre plus lisible, plus adaptable à la réalité du terrain et donc plus efficace". La refonte du code du travail est prévue d’ici à fin 2017. Les propositions du comité Badinter inspireront aussi le législateur, qui débattra très bientôt de la loi sur la réforme du droit du travail portée par la ministre Myriam El Khomri, qui doit la présenter le 9 mars prochain.

Les autres droits fondamentaux ayant trait à la santé au travail

Outre le chapitre que le comité Badinter consacre à la santé et sécurité au travail, parmi les 56 autres articles, plusieurs affirment des principes ayant trait aux conditions de travail.

Y figurent notamment :

  • le respect de la dignité dans le travail (article 2),
  • l’égalité professionnelle femmes-hommes (article 4),
  • l’interdiction du harcèlement moral et sexuel (article 7),
  • la conciliation vie privée/vie professionnelle (article 9),
  • l’obligation de rechercher un reclassement – "sauf dérogation prévue par la loi" – en cas d’inaptitude physique (article 28),
  • le fait que la loi fixe les durées quotidienne et hebdomadaires de travail (article 34),
  • le droit aux repos quotidien et hebdomadaire, le repos hebdomadaire étant – "sauf dérogation dans les conditions déterminées par la loi" – donné le dimanche (article 35),
  • l’encadrement du travail de nuit, qui "n’est possible que dans les cas et dans les conditions fixés par la loi" et "celle-ci prévoit les garanties nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des salariés" (article 36),
  • le contrôle de l’inspection du travail, indépendante (article 58).

(1) Outre la présidence assurée par Robert Badinter, le comité ayant remis hier son rapport compte :

  • Olivier Dutheillet de Lamothe, président honoraire de la section sociale du Conseil d’État et ancien membre du Conseil constitutionnel ;
  • Françoise Favennec-Héry, professeur de droit à l’université Panthéon-Assas (Paris-II) ;
  • Jean-Yves Frouin, président de la chambre sociale de la Cour de cassation ;
  • Alain Lacabarats, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation ;
  • Antoine Lyon-Caen, professeur émérite à l’université de Paris Ouest-Nanterre La Défense et membre du cabinet d’avocats auprès du Conseil d’État et de la Cour de cassation, Lyon-Caen & Thiriez ;
  • Yves Robineau, président honoraire de la section de l’intérieur et président adjoint de la section sociale du Conseil d'État.

De plus, Gaëlle Dumortier, du Conseil d’État, et Laurence Pécaut-Rivolier, inspectrice générale adjointe des services judiciaire et ancien conseiller référendaire à la chambre sociale de la Cour de cassation, étaient co-rapporteurs du comité.

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