Comment les "puissants" veulent "calculer" les bénéfices de la santé-sécurité au travail

Classé dans la catégorie : Général

Le week-end passé, les grandes multinationales et leurs partenaires politiques se réunissaient lors du forum annuel à Davos. A cette occasion, un rapport sur les bénéfices d'une amélioration de la santé-sécurité au travail a été publié par le Forum économique mondial*. Une simple vision financière ultra-pragmatique ?

Le rapport a été rédigé par la Worplace Wellness Alliance (autrement dit l'Alliance pour le bien-être dans les lieux de travail), en collaboration avec le cabinet FTI Consulting. Cette Alliance a été créée en 2010. C'est un consortium de 150 entreprises et organisations qui se sont engagées pour l'amélioration du bien-être au travail. Avec pour principal objectif de faire avancer les connaissances sur l'économie du bien-être au travail et comment en calculer le retour sur investissement.

Le pouvoir des chiffres et des mètres

Les auteurs sont clairs : l'évaluation et la mesure sont les maîtres mots pour conduire un changement dans nos organisations, et ce dans la plupart des régions du monde. Et comparant la santé-sécurité au travail avec le marketing, ils expliquent bien que le pouvoir du deuxième vient qu'il peut prouver, par les chiffres, son efficacité et ses résultats. Et, soulignent-ils, même si de nombreux organismes (OMS, OIT) ou entreprises et cabinet ont commencé à publier des données et des études sur des moyens d'évaluer l'intérêt financier aux programmes de santé-sécurité au travail, il n'existe pas à ce jour de standardisation des méthodes et des outils et des moyens de les comparer entre eux.

Standardiser. Oui, mais quoi ?

Bienheureux de constater un manque de standardisation dans les données et les moyens de calcul - L'Alliance s'est alors rendue compte que le problème est en réalité plus vaste. Si l'on prend l'exemple des Etats-Unis, on constate ainsi que les données chiffrées sur les retours sur investissement des programmes de bien-être au travail sont assez répandues, mais qu'il y a autant d'entreprises que de mode de calcul de ce retour ? Quid alors de la pertinence de ce critère de retour sur investissement. D'autant plus qu'il devient difficile de le calculer quand le coût de la santé n'est pas directement de la responsabilité de l'employeur. Quel périmètre alors faut-il choisir pour calculer le bénéfice d'une telle démarche ?

Enquête sur 150 entreprises et plus de 2 millions de salariés

Dans le but de réussir à construire des outils de mesure commun, l'Alliance a lancé un vaste recueil de données sur les 150 entreprises qui la composent et qui couvrent quelques 2 millions de salariés. Les données portent sur des mesures concernant la santé des employés d'un côté et les indicateurs de performance économique des entreprises de l'autre. Après une première vague de recueil en 2011, une autre série avec des données plus pointues s'est poursuivie en 2012. On a par exemple pris des indicateurs de santé comme la consommation d'alcool, de tabac, l'index de masse corporel, les habitudes physiques ou alimentaires etc. Du côté des entreprises, on a pris par exemple, les taux d'absentéisme, de présentéisme etc. Au final, le panel permet à chacun de se comparer à l'ensemble de la population étudiée et de se situer en terme de "santé des salariés" ou de "performances économiques". La partie santé peut aussi être reliée aux statistiques de référence de l'OMS.

Un retour sur investissement qui dépasse les simples enjeux financiers

Enfin, c'est ce qu'essaye de conclure le rapport. Comme si, brutalement rattrapés par quelque scrupule, les auteurs voulaient donner à leurs 9 études de cas, un vernis plus humain et moins strictement financièrement fonctionnel. Mais les études de cas proposées dans ce rapport ont pourtant bien l'objectif de montrer comment un programme de lutte contre le tabagisme augmente la productivité ou comment un programme d'incitation à une meilleure hygiène de vie (nutrition, sport etc.) fournit un investissement plus important des salariés et donc comment l'entreprise peut ressortir gagnante, en terme financier, d'une meilleure santé de ses salariés. Mais, on le sait, ce genre de programme ne fonctionne que si la direction le veut et les salariés y adhèrent. Il faut donc bien pouvoir montrer un rapport gagnant-gagnant pour permettre un consensus. Reste que le titre du rapport est bien "Faire le bon investissement : la santé des employés et le pouvoir des mesures" (Making the right investment : employee health and the power of metrics). La parole vient de financiers et non de philanthropes...

De l'entreprise privée à l'ensemble de la société

Afin de poursuivre ses travaux de manière plus intégrée à d'autres pans de la société, d'autres secteurs d'activité ou d'autres aires géographiques, l'Alliance passera en 2013, sous la responsabilité de l'IHPM (Institute of Health and Productivity Management) - Une organisation à but non lucratif américaine qui oeuvre déjà depuis 1997 à construire et développer les échanges et les outils nécessaires à mesurer l'impact d'une meilleure santé des salariés sur la performance des entreprises. L'ambition affichée pour les années à venir : devenir un modèle aussi pour le secteur public, les collectivités et l'ensemble de la société.

*Le Forum économique mondial ou World Economic Forum est une fondation à but non lucratif basée en Suisse. Sa réunion annuelle est mondialement connue. Elle se déroule à Davos en Suisse et réunit dirigeants d'entreprise, responsables politiques, intellectuels et journalistes de toute la planète. On y débat des grandes questions socio-économiques : finance et commerce bien sûr mais aussi santé et environnement.

Documents joints : Le rapport (en anglais).

 

Auteur : Par Sophie Hoguin, actuEL-HSE.

 
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