Faire progresser l’égalité professionnelle en prenant en compte la santé et les conditions de travail

Classé dans la catégorie : Institutionnels

Depuis 2008, le réseau ANACT développe une approche par le genre des conditions de travail. Florence Chappert, responsable du projet Genre et conditions de travail à l’ANACT, était invitée le 23 novembre 2010 à titre d’expert par la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, pilotée par Marie-Jo Zimmermann. Elle a livré son constat sur la question et identifié quelques leviers d'action pour mieux combiner enjeux d'égalité et enjeux de santé.

Hommes / femmes : l'impact différencié du travail sur la santé

En présentant, à partir de quelques données chiffrées, l’impact différencié du travail sur la santé des femmes et des hommes, Florence Chappert a démontré "l’effet de genre" des conditions de travail.

En 2008, selon les statistiques de la CNAM-TS, les accidents du travail subis par des femmes représentent 28,5% des 700 000 accidents du travail. Sur la période 2000-2008, leur nombre a augmenté de 21%, alors que celui des hommes a diminué de 13%. Si l’on rapporte ce nombre à celui de l'augmentation des salariés, l’évolution est respectivement de + 9% pour les femmes et de - 15% pour les hommes. Les secteurs dans lesquels la progression des accidents des femmes a été la plus forte sont le BTP (même si en nombre très limité), le transport et l’énergie, la santé, le nettoyage, et le commerce non alimentaire.

En 2008, sur 45 000 déclarations de maladies professionnelles, 48,6% concernaient des femmes. En sept ans, leur nombre a augmenté de 125%, contre 62% pour les hommes. Les troubles musculosquelettiques, en particulier, tendent à se généraliser. Les enquêtes épidémiologiques révèlent un niveau de tension et de stress au travail supérieur de 40% à 50% pour les femmes.

Les effets de genre des conditions de travail

Florence Chappert dégage quatre types d'effet de genre : tout d’abord, la double ségrégation qui porte sur la distribution des emplois et sur celle des tâches au sein d’emplois pourtant mixtes. Cette répartition sexuée est due à des éléments objectifs de conditions de travail, qui excluent les femmes et qui les protègent aussi de certaines contraintes, comme le port de charges lourdes. Elle s’explique aussi par les stéréotypes de sexe, qui renvoient à des représentations de métier mais qui n’ont parfois rien à voir avec la difficulté réelle du travail.

Le deuxième effet de genre provient d’une organisation des temps de plus en plus en flux tendus, pénalisante pour les salariés qui cumulent d’autres activités, qu’elles soient familiales, personnelles ou professionnelles (deuxième emploi).

Le troisième effet de genre provient de ce que les conditions de travail des femmes souffrent d’une certaine invisibilité. Ce qui conduit, notamment, à occulter la pénibilité et les charges physiques, mentales et émotionnelles des emplois qui les mettent en situation de relation avec le public/client/patient.

Les contraintes, comme certains rythmes de travail ou certaines exigences d’ancienneté ou de disponibilité, privent les femmes d’évolution dans leur emploi : c’est le quatrième effet de genre. La répétitivité du travail et le manque de perspectives de carrière font que les femmes, notamment au plus bas niveau de qualification, restent attachées au poste qu’elles ont occupé à leur entrée dans l’entreprise, et c’est cela même qui est générateur d’usure professionnelle.

Préconisations

Florence Chappert formule quelques propositions en vue d’aider les entreprises à lier actions en faveur de l’égalité et actions en faveur de la santé :

  • Inciter fortement les entreprises à inscrire l’action en faveur de la mixité des emplois et des tâches dans les plans d’action ou accords sur l’égalité. Par ailleurs Florence Chappert préconise « une masculinisation des métiers à prédominance féminine car nous y voyons un facteur d’amélioration des conditions d’emploi. »
  • Aménager les temps de travail qui doit explicitement viser à une bonne articulation avec la vie familiale et personnelle. Elle suggère que les horaires atypiques – travail de nuit ou à temps partiel –, mis en place au nom de l’intensification et de la flexibilité, fassent l’objet non seulement d’un encadrement plus strict, mais surtout d’une contrepartie, consistant à laisser aux salariés une certaine liberté pour choisir leurs créneaux horaires à l’avance et pour déterminer leur volume horaire.
  • Améliorer la prise en charge de la période de la maternité, avec un volet des accords égalité professionnelle d’entreprise qui y soit dédié.
  • Introduire un volet santé/conditions de travail dans les accords d’entreprise ou plans en faveur de l’égalité. Les indicateurs de santé au travail ( accidents du travail, maladies professionnelles, inaptitudes, absentéisme, maladies) seraient des éléments pertinents à ajouter au rapport de situation comparée.
  • Réviser les critères de classification des emplois pour prendre en compte toutes les contraintes que leur travail fait peser sur les femmes et pour revaloriser leurs emplois.
  • Prendre en compte le genre dans les actions relatives à l’amélioration des conditions de travail, à la santé, à la pénibilité et aux risques psychosociaux, ainsi que dans des outils tels que le document unique et les accords ou plans sur le stress, et ce avec l’implication des CHSCT.
  • Prendre en compte la dimension de genre dans les actions relatives à la gestion des âges et au maintien des seniors dans l’emploi.

Lire l’intégralité de son audition devant la Délégation des femmes de l'Assemblée nationale.

Auteur : ANACT

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