Les employeurs peu conscients des risques électromagnétiques sur le lieu de travail

Dans le sillage du Grenelle des ondes, la question de l'impact des ondes électromagnétiques sur les conditions de travail se pose. Malgré leur obligation juridique de protéger la santé de leurs salariés, les employeurs se mobilisent timidement.

Il y a quelques mois, au Tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Roche-sur-Yon (Vendée), les juges ont du se prononcer sur un dossier inhabituel émanant d’un salarié. Motif invoqué par celui-ci ? Le « syndrome d’intolérance au champ électro-magnétique », reconnu comme maladie par le tribunal. Le plaignant a donc eu gain de cause face à son employeur, tenu responsable, par la loi, de l’exposition de ses salariés aux ondes électromagnétiques. « A l’avenir, de plus en plus d’employeurs vont être confrontés à ce type de plainte », prédit Pierre Le Ruz, Président du Centre de Recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM). Le débat engagé lors du Grenelle des ondes sur les antennes relais et la téléphonie mobile risque donc de faire tâche d’huile dans les entreprises où les salariés sont de plus en plus soucieux de leurs conditions de travail. Il faut dire que les effets des ondes électromagnétiques sur la santé ne sont pas à minimiser : « En l’absence de mesures préventives prises par les employeurs pour limiter les expositions, les salariés peuvent être sujets à des troubles variés, tels que des fourmillements, des migraines, des nausées, des rougeurs, des arythmies, des vertiges ou des troubles de la concentration, atteste Pierre Le Ruz. Or, toutes ces sources de fatigue favorisent l’absentéisme.» Avec l’explosion des nouvelles technologies sur le lieu de travail, certains équipements sont dans l’œil du cyclone : téléphones DECT, bornes WIFI et antennes relais, claviers et souris d’ordinateurs, téléphones portables…. « Récemment, nous avons par exemple enregistré 16 volts/mètres dans les bureaux d’une entreprise, provenant 3 téléphones sans fil, soit une mesure cinq fois plus élevée que le seuil autorisé ! » constate Pierre Le Ruz. « L’impact des ondes électromagnétiques constitue aussi un risque dans l’univers fermé et clos d’un véhicule, avec des outils qui fonctionnent en permanence », met en garde Jean-Claude Delgènes, Directeur général du cabinet Technologia, spécialisé dans les risques professionnels. Enfin, à l’extérieur des bâtiments, les risques sont aussi présents pour les entreprises situées près de lignes haute tension et très haute tension.

Les employeurs tenus de protéger la santé de leurs salariés

Le problème est que, pour l’heure, trop peu d’employeurs ont conscience des dangers liés aux ondes électromagnétiques. Selon le CRIIREM, seuls 5 à 6% des comités d’hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT) les appréhendent. Pourtant, même si les scientifiques sont encore divisés sur la question, il apparaît que les radiations émises à des fréquences même très basses seraient cancérigènes. Cette conclusion a déjà été confirmée dès 1998 par l’Institut national des sciences sanitaires de l’environnement, aux Etats-Unis. Autre obstacle lié à la prévention des risques électromagnétiques : les employeurs connaissent mal le cadre légal. Or, ils sont juridiquement tenus de protéger la santé physique et mentale de leurs salariés. Par ailleurs, ils sont soumis à une directive de 2004, des normes de compatibilité électromagnétique européennes et françaises (NF-EN 61000) et un décret limitant à 3 volts/mètre le seuil d’exposition dans les bureaux. Cet arsenal de textes contraint donc les entreprises, en théorie, à effectuer un état des lieux électromagnétique pour ne pas dépasser ces valeurs d’exposition et à engager une réflexion ergonomique liée à la santé de leurs salariés (en particulier les femmes enceintes et les personnes portant des implants électroniques). En cas de dépassement des valeurs limites, mesurables à l’aide de sondes, tout employeur est tenu de prendre des mesures sur le champ. « En cas d’incident, les employeurs pourraient alors engager leur responsabilité civile, voire pénale », prévient Pierre Le Ruz. Seulement voilà, dans les faits, le manque de clarté sur les acteurs chargés de contrôler ces normes ne pousse guère à agir sur le front de la prévention… Par ailleurs, sur ce marché en émergence, la fiabilité des prestataires n’est pas toujours la règle…

Prise de conscience timide

Certaines entreprises, soucieuses des conditions de travail, commencent cependant à prendre conscience des risques. Récemment, un groupe industriel a ainsi mandaté Technologia pour diagnostiquer l’impact électromagnétique lié au système de géolocalisation de ses véhicules. De plus en plus d’établissements hospitaliers demandent aussi des expertises pour mesurer le taux d’exposition des antennes relais situées sur leur toiture, selon le CRIIREM. De même que des entreprises situées près des lignes à haute tension. Dans un aéroport, suite à une expertise électromagnétique, des antennes relais ont été récemment démontées, suite à la plainte d’un salarié. Dans un grand groupe de communication parisien, le CHSCT attend le diagnostic de l’expertise qu’il a sollicité sur son parc informatique. Mais ces démarches d’entreprises ne sont pas encore légion. « Les moyens techniques de résoudre les problèmes d’exposition des salariés aux ondes électromagnétiques sont pourtant assez simples et nombreux » assure Myriam Calbrun, technicien-mesureur. En effet, il suffit parfois de déplacer des antennes wifi ou un transformateur, de gainer la télécommande d’un système de climatisation pour réduire les seuils d’exposition. Certains matériels émetteurs d’ondes (comme les souris d’ordinateurs) peuvent aussi être remplacés par des systèmes innovants à infra-rouge. En somme, autant de solutions qui vont dans le sens du principe de précaution...

Auteur : M.J. Gava, Novethic

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