Stress au travail: le coup d’accélérateur du ministère

Classé dans la catégorie : Institutionnels

Vendredi, le ministre du travail, Xavier Darcos, a annoncé un plan d’urgence pour la prévention du stress au travail, qui oblige les grandes entreprises à appliquer d’ici 4 mois l’accord interprofessionnel de 2008. Réponse politique à la vague de suicides survenus chez France Telecom, elle replace néanmoins la problématique dans un contexte global.

Un ingénieur du Technocentre de Renault (Yvelines) s'est suicidé mercredi 7 octobre à son domicile. Bien que le lien avec le travail ne soit pas encore prouvé, ce drame, qui touche le même centre que les trois suicides de 2006 et 2007, est une nouvelle illustration d’un mal-être au travail généralisé, après la série de suicides de France Telecom. Depuis 2007, le risque psychosocial est d’ailleurs devenu la première cause de consultations pour pathologies professionnelles (27% sur 15.000 visites annuelles) selon le bilan du Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) publié le 7 octobre par l'Afsset. Ce réseau regroupe 32 centres médicaux et a pour mission de détecter les maladies émergentes et les situations à risques en entreprise. Dans 80% des cas, ces pathologies (dépression, anxiété) ont été directement imputées au travail par les experts médicaux. Le secteur des services était le plus représenté, en particulier les activités de la finance, l’immobilier, le commerce, les transports, les communications, l’éducation et la santé. Les femmes (72%) ont davantage consulté que les hommes (28%). Ces résultats confirment une tendance à la hausse de ces troubles depuis plusieurs années, selon l’Afsset.

Un constat que ne dément pas Xavier Darcos. «Le passage d’une société industrialisée à une société de services a entraîné l’apparition de nouveaux risques: ce sont le stress chronique, les violences psychologiques, le harcèlement Sans doute n’avons-nous pas suffisamment mesuré la mutation qu’a connue l’économie française (…)», a-t-il déclaré vendredi à l’occasion d’une séance exceptionnelle du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT), qu’il préside, où il a annoncé des mesures d’urgence.

Première d’entre elles: l’ouverture de négociations sur le stress dans toutes les entreprises de plus de 1.000 salariés avant le 1er février 2010. «Je veux aller vite, sans attendre que l’accord national interprofessionnel sur le stress de fin 2008 (1) soit décliné par branche puis par entreprise», a précisé le ministre. Il demande à ces entreprises d’engager «significativement» les négociations, c'est-à-dire d'avoir réalisé au moins un diagnostic et un plan d'action dans les délais fixés. Cet accord qui transpose l’accord européen du 8 octobre 2004, a été étendu à l’ensemble des entreprises et rendu obligatoire par l’arrêté du 23 avril 2009 (2). Il avait été signé par les partenaires sociaux français en novembre 2008 (3). Un bilan national et régional sera présenté devant le COCT et rendu public en février 2010. La liste des entreprises «mauvaises élèves», où les négociations n’auraient pas abouti, sera publiée tandis que les entreprises «où il fait bon vivre» seront valorisées. L’option de sanctions financières est donc écartée pour le moment. «La première sanction, c'est la transparence. Nous ferons un bilan en février et nous verrons à ce moment-là», mais «rien n'est exclu» a-t-on précisé dans l'entourage du ministre, selon l’AFP. Le ministre prévoit qu’une vingtaine de séminaires soient organisés d’ici la fin de l’année pour permettre aux «entreprises modèles» d’exposer leurs bonnes pratiques. Leur contenu sera susceptible d'alimenter le futur Plan santé au travail 2010-2014.

Les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE, PME) sont également ménagées. Le plan d’urgence prévoit uniquement la mise en place d’actions d’information sur les risques psychosociaux, d’outils de diagnostic et d’indicateurs d’action, avec l’appui de l’Anact, de l’INRS et des services de santé au travail. Les entreprises en cours de restructuration devront également prendre en compte la prévention de ces risques.

L’ensemble de ces éléments devrait être repris dans le second Plan santé au travail qui sera élaboré d’ici la fin de l’année. Une cellule de coordination sur le stress au travail sera en outre placée auprès du directeur général du travail.

Les syndicats ont pris acte de l’engagement du gouvernement, mais réclament des mesures plus larges. La CGT appelle à de profonds changements au travail, dans les TPE et PME, comme dans les grandes entreprises, «en donnant à tous les travailleurs le droit à disposer d’un Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) alors que «2 salariés sur 3 n’en ont pas» et «en rendant effectif le droit dans toutes les entreprises». La CFDT regrette que «seules les très grandes entreprises soient concernées». Elle demande l’ouverture de négociations dans leurs filiales, entreprise sous-traitantes, ainsi que dans les branches professionnelles. Elle souhaite par ailleurs que ces règles s’appliquent aussi dans les administrations et entreprises publiques. Enfin, la CFDT demande que les systèmes de notation des entreprises et d’évaluation de leurs dirigeants intègrent rapidement des critères sociaux et humains. «On aurait préféré que des objectifs soient fixés avec des sanctions», a reconnu Pierre-Yves Montéleon (CFTC), selon l’AFP, rappelant que la loi oblige déjà les entreprises à rédiger un document unique d'évaluation des risques, mais que «50% d'entre elles ne l'ont pas fait».«Redonner au travail ses lettres de noblesse», faire en sorte qu’il soit «synonyme de bien-être et non plus de souffrance», telles sont les ambitions que s’est fixées le ministre du travail. Rendez-vous en 2010 pour un premier bilan.

(1) Accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008 (BOCC n° 2009/0002 du 7 février 2009) et arrêté du 23 avril 2009 portant extension d'un accord national interprofessionnel sur le stress au travail (JO du 6 mai 2009)
(2) Dans le JDLE «Extension de l'accord national interprofessionnel sur le stress au travail»
(3) Dans le JDLE «Stress au travail: signature de l’accord»

Auteur : par Sabine Casalonga, JDLE

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