Quotas de CO2: la Commission européenne se prend un camouflet

L’annulation de décisions de la Commission européenne concernant les plans nationaux d’allocation de quotas de CO2 (Pnaq) de deux Etats membres a jeté le trouble sur les marchés du carbone. L’exécutif européen n’exclut pas de faire appel. D’autres pays envisagent de profiter de cette brèche pour renégocier leurs Pnaq.

Le Tribunal de première instance des communautés européennes (TPICE) a annulé dans deux arrêts (1), mercredi 23 septembre, les décisions de la Commission européenne concernant les plans nationaux d’allocation de quotas de CO2 (Pnaq) polonais et estoniens.

Les deux pays avaient adressé en 2006, comme le veut la procédure, leurs Pnaq pour la période 2008-2012 à la Commission. Celle-ci avait jugé ces plans incompatibles avec la directive organisant le marché européen du carbone (ETS, European trading scheme) et exigé des deux pays une très forte réduction des quantités annuelles de quotas qu’ils prévoyaient d’allouer: -26,7% pour la Pologne et -47,8% pour l’Estonie.

Soutenus par la Hongrie, la Lituanie et la Slovaquie, les deux pays avaient alors contesté la décision de la Commission européenne (2). Le TPICE vient donc de leur donner raison.

Il a jugé que l’exécutif européen «[avait] commis une erreur de droit» en mettant en doute la fiabilité des données utilisées par ces deux pays. En remplaçant ces données par d’autres obtenues au moyen de sa propre méthode d’évaluation, Bruxelles n’a pas non plus respecté le principe d’égalité, puisqu’elle n’a pas appliqué le même traitement aux autres Etats membres. Mais retenir une même méthode d’évaluation pour tous, c’est reconnaître à la Commission «un véritable pouvoir d’uniformisation (…), mais aussi un rôle central dans l’élaboration des Pnaq»; pouvoir et rôle qui ne lui ont été ni l’un, ni l’autre, conférés.

Pour le TPICE, la Commission a aussi manqué à son obligation de motiver sa décision concernant le Pnaq polonais. Elle n’a fourni «aucun élément susceptible de permettre de comprendre suffisamment en quoi la méthode d’analyse économique et les données retenues par la Pologne étaient contraires au droit communautaire».

Enfin, en 2007, l’exécutif européen avait estimé le Pnaq estonien incompatible avec la directive, en raison de la non-inclusion d’une réserve de quotas, allouée à de nouvelles industries soumises au marché du carbone et désireuses de s’installer sur le territoire national. Une motivation contestée par l’Estonie, puisque la Commission avait justement encouragé une telle décision en 2006.

«Nous réfléchissons actuellement à une procédure d'appel, a déclaré hier Barbara Helfferich, porte-parole du commissaire européen à l’environnement Stavros Dimas, à l’agence de presse AEDD. La Commission dispose d'un délai de deux mois». La décision du TPICE constitue en effet un camouflet pour l’exécutif européen, au moment où celui-ci tente d’imposer un régime plus strict pour les industries très émettrices en 2013. Elle crée aussi de l’incertitude sur les marchés du carbone, puisqu’ils pourraient être inondés de millions de quotas de CO2 non alloués pour la période 2008-2012. Plusieurs Etats membres –Italie, Lituanie, République tchèque– qui se plaignaient de ne pas avoir de quotas, envisagent aussi de profiter de l’ouverture de cette brèche pour renégocier leurs Pnaq à la hausse.

(1) Arrêts T-183/07 et T-263/07 du 23 septembre 2009 de la TPICE
(2) Dans le JDLE «Pnaq: modifications et recours en justice»

Auteur : par Victor Roux-Goeken, JDLE

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