Télétravail, cohérence et QVT

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marteau et visIl y a un lien entre ces trois notions. Mais à force de suivre certaines modes de management, on en oublie l’essentiel et le bon sens. Voici quelques exemples contre productifs. Mais avant de parler des ces trois notions, un petit état des lieux du télétravail.

Télétravail en plein essor

Depuis la crise de la COVID, le télétravail a fait une incursion importante dans les habitudes de travail, de manière un peu forcée (1-2). On y adhère, ou pas ! En tout cas, le « travail hybride » a fait son apparition dans le langage managérial.

Contraint

Bien sûr, les phases de confinement ont amené les entreprises à modifier leur mode de fonctionnement (+10% (1)) et, lorsque cela était possible, à mettre en place le télétravail. Cela a permis un maintien de l’activité dans beaucoup de cas.

Cette mise ne place obligatoire a souvent été subie comme une contrainte par le personnel, surtout quand son logement n’était pas prévu pour (travail dans la cuisine, sur le canapé…) et qu’en plus les enfants étaient à la maison !

C’est également une contrainte pour les employeurs qui doivent équiper les employés en matériel avec tout ce que cela entraine comme conséquence, autant financière qu’en apparition de nouveaux types de risque à gérer, comme l’isolement ou les risques de piratage informatique.

Il y a également des cas où le télétravail est imposé, comme lorsqu’il est nécessaire d’effectuer des travaux de réaménagement des locaux ; il est bien pratique de pouvoir renvoyer chacun chez soi et de maintenir l’activité à distance.

Ou choisi

Le télétravail n’est pas apparu avec la crise de la COVID, mais la mise en place a été accélérée (1.6 j/s en 2019, 3.6 j/s en 2021 (3)). Des accords sur la possibilité de travailler à distance ont vu le jour, avec des conditions pour pouvoir y prétendre (4). Les conditions sont souvent liées à l’ancienneté, et parfois à des conformités… voir chapitre suivant.

Légalement, le télétravail est accordé à l’employé sur la base du volontariat (5), à la suite de sa demande, les jours de travail en présentiel et ceux à distance sont définis afin de permettre un minimum d’organisation. Ce mode de travail est apprécié par le plus grand nombre ; il offre l’avantage d’avoir des jours à distance et de s’affranchir des impératifs de déplacement tout en maintenant un minimum de lien social avec ses collègues (indice de satisfaction de 7.2/10 en 2021 (3)).

Exemples d’incohérences

Voici quelques exemples dont j’ai été témoin et qui font preuve, à minima, d’incohérence.

Manque d’ancienneté

Dans une structure privée travaillant à la mise en œuvre de dispositifs étatiques, donc une grosse structure, une employée est accueillie en pleine phase de confinement fortement recommandée par le gouvernement. Un jour pour faire le tour du poste et récupération du matériel, 2 jours de formations sur les écrans de travail des logiciels maison et une mise en télétravail dans la foulée. Un peu rude comme mise en jambe, mais là n’est pas le sujet.

Le confinement officiel prend fin cinq mois plus tard. Madame demande alors : « Je souhaite travailler 2 jours par semaine en télétravail, comme certains de mes collègues ». La réponse : « Désolé madame, le télétravail n’est possible qu’après 6 mois d’ancienneté » !

Ce n’est pas comme si elle venait d’arriver et qu’il fallait l’équiper spécialement pour sa demande !

Conformité électrique

Dernièrement, j’ai été témoin d’une situation que je trouve assez étrange. Les conditions pour pouvoir télétravailler dans cette structure étatique qui s’occupe de récupérer les cotisations avant de les redistribuer impose un contrôle du réseau électrique du lieu d’habitation. Bien sûr, on peut se dire qu’il en va de la sécurité de l’employé et que s’il met les doigts dans la prise, l’entreprise aura fait le nécessaire pour s’assurer de la présence de différentiels électrique pour éviter l’électrocution.

Un jour il faut réaménager le cloisonnement des locaux. Chacun ayant reçu un ordinateur portable et tout ce qui est nécessaire pour travailler à distance, on renvoie chacun dans ses pénates pendant les deux semaines de travaux.

Peu après, une employée nouvellement arrivée demande à pouvoir télétravailler 2 jours par semaine. Un technicien d’un organisme de contrôle passe vérifier le logement et décèle un défaut de mise à la terre. Le télétravail lui ai donc refusé.

On peut en déduire que lorsqu’il y a des travaux à faire dans les locaux de la société, il n’y a pas de risque électrique !

Choix locaux / équipements

Un autre cas de figure observé : pour des raisons avant tout politiques, plusieurs entreprises ont été fortement sollicitées pour prendre part à un grand projet de réaménagement du territoire d’une grande ville de province. La plupart des entreprises étaient regroupées dans un quartier depuis une cinquantaine d’années, au nord de la ville et sont priées de se rapprocher de la gare située au sud-est de la ville.

Comme d’autres, une de ces entreprises a donc lancé une procédure de déménagement. Dans un souci d’implication participative, les employés sont donc régulièrement sollicités pour donner leur avis sur la couleur des bureaux, à quel endroit il sera préférable de disposer des coupelles avec des bonbons et des sachets de thé à la menthe ou aux fruits rouges… bien souvent de l’accessoire.

On en perd de vue l’essentiel, depuis cinquante ans, les gens se sont établis autour de leur lieu de travail, ont fait construire dans la campagne environnante et vont donc devoir déménager ou voir leur temps de trajet exploser du fait de l’éloignement. Tout ça pour faire plaisir au maire de la ville.

Conséquences sur la QVT

Comme on l’a vu dans les exemples ci-dessus les raisons de mettre en place telle ou telle procédure peut avoir un sens de départ, mais l’essentiel est perdu de vue et la raison d’être est pervertie.

On peut comprendre que des règles soient mises en place, mais l’incohérence des procédures nuit gravement au ressenti et donc à la QVT.

Il en est de même concernant le matériel : l’entreprise met toujours un ordinateur portable, un écran, un téléphone… à la disposition de son salarié, mais combien d’entreprises fournissent un siège de bureau digne de ce nom ? Il faut être cohérent avec la politique de santé au travail.

La QVT, en finir avec les conneries

Ces dernières réflexions renvoient au podcast d’Inforisque « La QVT, en finir avec les conneries ».

Babyfoot / temps de travail

Comme le dit François dans ce podcast, « Mais est ce que finalement on ne parle pas un peu trop des babyfoots ? ». Oui, offrir un espace de détente aux employés peut sembler une bonne idée, mais quel est le but ? Générer de la cohésion ? Qu’ils passent plus de temps dans les locaux ? Parce que le temps passé à jouer au babyfoot sur son lieu de travail implique que l’on n’a pas été productif. C’est un peu provocateur, mais il ne faut pas perdre de vue l’objectif de la QVT.

Importance du message global et la sécurité

Par pitié, à tous les responsables qui mettent en place des procédures, des consignes, des consultations participatives, garder le cap et l’objectif essentiel de la SST ou de la QVT.

Les meilleures intentions du monde se heurtent à l’incohérence des actions qui vient parasiter le message global. On finit toujours par se rendre compte que l’on a été berné (volontairement ou non).

Dans le terme QVT il y a le mot « travail », la qualité de vie au travail passe par le sentiment d’être bien dans son travail, on ne va pas au bureau pour se faire des copains, jouer au babyfoot ou faire la sieste.

Comme le rappel Vincent Baud, les conditions de travail sont plus importantes que les à-côtés. C’est l’essence même de la QVT.

 

Sources :

  1. Etude DARES : Activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid-19
  2. Travail à distance : 10 chiffres clés à connaître en 2022
  3. Malakoff Humanis
  4. Télétravail : pour qui et à quelles fréquences, quels impacts sur la santé, le travail et la gestion des ressources humaines ?
  5. Télétravail : l’employeur doit-il verser des indemnités à ses salariés ?

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