L'Opecst étrille la gestion de la crise du H1N1

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Dans leur rapport, Jean-Pierre Door et Marie-Christine Blandin expliquent pourquoi la pandémie tant annoncée n’a pas eu lieu. Et les conséquences qu’il faut tirer de la gestion de cette affaire.

C’est à une véritable épidémie à laquelle doit s’attendre la France… épidémie de rapports sur la soi-disant pandémie de grippe A. L’Assemblée nationale et le Sénat préparent le leur, tout comme la Cour des comptes et l’assemblée parlementaire du Conseil d’Europe. Le parlement européen, lui, s’interroge sur l’opportunité de créer sa propre commission d’enquête.

En attendant, l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a dégainé le premier. Après avoir remis un rapport d’étape, en février dernier, le député (UMP) Jean-Pierre Door et la sénatrice (Verts) Marie-Christine Blandin ont rendu publiques leurs conclusions, mardi 29 juin. Et celles-ci ne sont pas tendres avec les responsables de la gestion de la crise hivernale. A commencer par les dirigeants et experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Soupçonnés pour certains d’entre eux d’entretenir des relations avec des laboratoires pharmaceutiques, ils sont aussi placés dans une situation intenable. Alors que le pic de contamination était depuis longtemps en déclin, l’OMS s’est refusé, en juin 2010, à lever la phase 6 de l’épidémie de grippe A. S’il a frappé les opinions publiques, cet acte n’a pas été sans conséquence. Le règlement sanitaire international (une règle de conduite des Etats membres édictée par l’OMS en 2007) oblige les Etats qui ont précommandé des vaccins aux firmes pharmaceutiques à déclencher leurs commandes. Ce qui explique que certains pays, dont la France, se soient retrouvés en possession de stocks considérables de doses inutiles.

Les autorités françaises, d’ailleurs, ne sont pas épargnées par les deux parlementaires. Premier reproche : avoir systématiquement privilégié le scénario du pire. Les conséquences sanitaires de la canicule de 2003 sont encore dans tous les esprits. Seconde critique : un trop grand nombre de responsables en charge du dossier. Si les deux auteurs ne sont pas tout à fait d’accord sur l’autorité devant organiser la réponse à une telle crise, Jean-Pierre Door et Marie-Christine Blandin se retrouvent pour fustiger la multitude des responsabilités. « Il aurait fallu un pilotage unique de la crise », préconise la sénatrice du Nord. Plus précis, le député-maire de Montargis (Loiret) propose de fusionner les cellules de crise des ministères en charge de la santé et de l’Intérieur et de placer cet organe unique sous la tutelle de la place Beauvau. Aux services de Roselyne Bachelot, les élus reprochent d’avoir changé de communication au fil des semaines, plongeant les citoyens dans l’incertitude. « Il est intéressant de se demander pourquoi les Français ont rejeté la vaccination », s’interroge Jean-Pierre Door. Les rapporteurs critiquent également les troupes de Brice Hortefeux, coupables à leurs yeux d’avoir donné aux médecins généralistes un rôle mineur dans la campagne de vaccination. « En ne s’appuyant pas sur les généralistes, on s’est privé de précieux auxiliaires, reconnus par la population », regrette Marie-Christine Blandin.

L’Europe ne sort pas grandie, elle non plus, de l’épreuve. « On a vu des Etats membres négocier les uns contre les autres pour acquérir des vaccins ou des antiviraux, ce qui a fait le jeu des firmes pharmaceutiques », s’emporte l’ancienne présidente de la région Nord-Pas -de-Calais.

Critique, le rapport Blandin-Door est aussi constructif. En conclusion, il fait une trentaine de recommandations. Dont certaines semblent tomber sous le sens : prouver scientifiquement l’efficacité de « l’effet barrière » (le précepte selon lequel la pandémie est bloquée car le tiers de la population est vacciné, NDLR), favoriser la pluridisciplinarité des responsables (les grippes de type A affectent hommes et animaux), prévoir des financements d’urgence pour faire face efficacement à ce genre de crise, réécrire le plan Pandémie français, revoir la gouvernance de l’OMS, développer la recherche pour la création d’un vaccin à large spectre, mettre en œuvre l’instance de garantie de l’expertise (une promesse du Grenelle I). A suivre…

Auteur : Valéry Laramée de Tannenberg, JDLE

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