La biométrologie pour mieux prévenir l'exposition aux produits chimiques

La biométrologie permet de surveiller l'exposition à des substances en mesurant les indicateurs biologiques correspondants, dans le sang ou les urines, notamment.

Cela peut permettre de mettre en place de meilleures mesures de prévention en cas de dépassements réguliers. Un outil sous-utilisé en France. Retour d'expérience chez Ineos Chemicals.

Sur les 3 000 salariés qui travaillent sur la plateforme pétrochimique de Lavéra, (2 000 employés directs et 1 000 des entreprises extérieures) environ la moitié a bénéficié d'une surveillance biologique d'exposition aux produits chimiques en 2013. Mis en place depuis 2011, ce dispositif de surveillance biologique méthodique a amélioré la protection des salariés. Soumis à la réglementation de la prévention des risques chimiques en milieu professionnel, le site réalise des mesures atmosphériques sur les hydrocarbures (environ 1 000 mesures par an). Mais celles-ci ne donnent qu'une vue partielle car elles ne prennent pas en compte les autres voies d'exposition – surtout cutanée et par ingestion –, ni la protection apportée par les EPI (équipements de protection individuelle). En 2011, Olivier Bisanti, le médecin du travail de la plateforme pétrochimique a donc décidé d'utiliser la biométrologie. Son principe : mesurer ce qui sort de l'organisme après l'absorption d'une substance donnée, quelle que soit la voie d'absorption. Pour détecter une substance chimique donnée, le médecin utilise un marqueur, appelé indicateur biologique d'exposition (IBE). C'est ce marqueur qui est recherché dans l'urine.

Trophée "Responsible Care"

Le site pétrochimique d'Ineos Chemicals à Lavéra dans les Bouches-du-Rhône vient d'être récompensé par les trophées "Responsible Care" de l'UIC (Union des industries chimiques) pour sa démarche de prévention des risques professionnels d'exposition aux substances dangereuses qui associe mesures atmosphériques et biométrologie.

Analyse par comparaison et regroupement statistique

L'absorption réelle varie d'une personne à l'autre. C'est pourquoi les services de santé au travail du site analysent les résultats par regroupements statistiques et les comparent, à conditions d'exposition similaires ou au fil du temps. Les échantillons d'urine identifiés par code-barres sont analysés par un laboratoire accrédité. Au bout de 5 à 7 jours, les infirmières du site réceptionnent les résultats qui sont ensuite traités informatiquement par un logiciel et interprétés. Tous les indicateurs sont enregistrés et publiés dans la fiche de prévention des expositions de chaque salarié concerné et dans le document unique de prévention des risques.

Alerte et mesures de prévention

Lorsque le médecin du travail constate des dépassements importants par rapport aux valeurs repères, il alerte le management opérationnel et des mesures sont mises en place, comme le port d'équipements de protection individuelle ou des modifications d'installation. Depuis 2012 par exemple, un tubage a été réalisé entre deux bassins de décantation de la station d'épuration de l'usine, afin d'éviter un brouillard d'eau contenant du benzène. Contrairement aux mesures atmosphériques qui s'appuient sur des valeurs limites d'exposition aux agents chimiques (article R4412-149 du code du travail), et à l'exception du plomb (arrêté du 15 décembre 2009), il n'existe pas de valeurs limites concernant les indicateurs biologiques d'exposition, seulement des valeurs repères.

Des efforts nécessaires en matière d'information et de budget

Le processus a nécessité un important dispositif d'information. Le service de santé au travail a réalisé une carte repère indiquant les risques d'exposition aux différentes substances chimiques suivant l'intervention dans telle ou telle unité du site et le moment de passer à l'infirmerie pour effectuer un test urinaire. La biométrologie a également été intégrée à la formation HSCT. "La formation et l'encadrement représentent 80 % de notre travail", indique Olivier Bisanti. La surveillance biologique implique aussi un effort financier important : Petroineos/Ineos Chemicals dépense chaque année entre 30 000 et 35 000 euros pour réaliser entre 2 000 et 30 000 mesures d'indice biologique d'exposition (IBE). Malgré son coût, cette démarche s'est largement répandue en raffinerie, mais pas encore dans l'ensemble des entreprises chimiques. Le 32e congrès national de médecine et santé au travail en juin 2012 soulignait que la biométrologie restait un outil "sous-utilisé", en raison notamment de l'absence en France, de valeurs limites biologiques réglementaires.

 

 

Auteur : Par Julie Giorgi, actuEL-HSE.

 

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