Comment prévenir les incivilités et violences externes qui pourrissent la vie au travail ?

Classé dans la catégorie : Général

Un actif sur deux est exposé à des violences commises par les clients ou usagers. L’analyse de ces incivilités répétées permet de voir les principales causes. La prévention suppose souvent de repenser procédures ou organisation du travail.

L’incident de trop s’était produit dans une agence du 19e arrondissement de Paris. Ce jour-là, excédé et incontrôlable, un assuré s’était jeté sur une conseillère de la CPAM pour tenter de l’étrangler. "Très choquée, elle avait été arrêtée plusieurs semaines", se souvient Aurélie Combas Richard, directrice de la CPAM de la Marne, alors directrice adjointe à Paris. "Les incivilités étaient monnaie courante ; cette agression nous a incités à construire un plan de prévention. L’année suivante, le nombre d’incidents avait diminué de 35 %."

Parfois difficiles à déceler

D’après une enquête conduite en 2015 par le cabinet de conseil Eleas, un salarié sur deux (54 %) est exposé à des incivilités au travail commises par des clients ou des usagers (voir notre article), et 33 % des actifs se déclarent personnellement affectés. Mais le sujet reste encore tabou dans nombre d’entreprises. "Les violences externes les plus courantes relèvent du non-respect des codes de courtoisie et de politesse, ce qui peut les rendre plus difficiles à déceler", explique Eric Goata, directeur associé d’Eleas. "Plus que leur intensité, c’est leur répétition qui s’avère nuisible pour la santé psychique des salariés. 77% d’entre eux déclarent d’ailleurs avoir déjà souffert de symptômes tels que des troubles du sommeil, des comportements agressifs, un sentiment d’insécurité…" Soit autant de sources de mal-être au travail, absentéisme et baisse de productivité, qui devraient inciter les employeurs à bâtir de véritables politiques de prévention.

Diagnostic sans tabou

Première étape : prendre la mesure du phénomène. "À Paris, pendant plusieurs mois, nous avons demandé aux agents de faire remonter tous les incidents", retrace Aurélie Combas Richard. "Les rapports atterrissaient directement sur mon smartphone, qui pouvait biper jusqu’à six fois par jour !" Lieu, heure, contexte, nature de l’incident, tous les paramètres sont passés au crible. Fournissant à la direction des indicateurs précieux. "Indispensable", selon Eric Goata, le diagnostic peut aussi s’appuyer sur "le ressenti des salariés". "Les personnels ont tendance à se convaincre que ça fait partie du métier, ou craignent d’être pointés du doigt s’ils se plaignent. C’est pourquoi nous incitons plutôt les managers à recueillir la parole sur ce sujet", observe Pascale Soulard, responsable du pôle prévention des risques professionnels d’Aéroports de Paris.

Fin de journée : créneau à risques

Après la collecte, vient le temps de l’analyse. Une étape qui peut s’avérer légèrement déstabilisante. "Quand on regarde de près, on s’aperçoit que certaines procédures sont totalement inadaptées, que certains centres sont sous-staffés, que d’autres connaissent des pannes informatiques à répétition…", reconnaît Aurélie Combas Richard. Chez Western Union, où il exerçait avant d’entrer chez Celio comme directeur de la sûreté, Francis de Albuquerque avait identifié la fin de journée comme un créneau à risques. "Officiellement, les agences étaient ouvertes jusqu’à 19 heures. Mais les salariés fermaient les portes quinze minutes plus tôt pour avoir le temps de traiter toutes les opérations, ce qui engendrait de la frustration parmi les clients arrivés tardivement."

Sur toute la chaîne

Le premier levier de prévention relève donc de l’organisation du travail et des procédures. "Les tensions ont baissé lorsque nous avons affiché que le système informatique bloquait toutes les opérations passé 19 heures", poursuit Francis de Albuquerque. À la CPAM de Paris, les équipes de back-office ont reçu pour consigne de résorber le stock de dossiers en souffrance, qui entraînait des retards de versements. "Boutique, management, communication, tout le personnel de l’entreprise doit comprendre qu’il a une responsabilité dans la chaîne", insiste Francis de Albuquerque. Au sein d’Aéroports de Paris, l’enjeu consiste à mettre autour de la table l’ensemble des entreprises intervenantes. Un exemple ? Les postes d’inspection et de filtrage avant embarquement. "Ce ne sont pas nos salariés, mais ce sont nos installations", explique Pascale Soulard. "Donc, nous devons veiller à ce que la signalétique soit la plus claire possible. Aux compagnies aériennes d’informer également leurs clients de la liste des produits interdits en cabine." Supports de communication adaptés, accueil personnalisé, locaux attrayants, espaces de régulation… Les variables d’ajustement sont multiples et cumulatives. Parallèlement, des formations peuvent apprendre aux salariés des techniques permettant de désamorcer l’agressivité.

Ne pas minimiser l'incident

Si le pire n’a pas pu être évité, minimiser l’incident ne ferait qu’aggraver les dégâts. "Un événement qui touche un salarié a des impacts sur l’ensemble de son équipe. L’encadrement doit donc être présent – en veillant à ne pas sur réagir", avertit Eric Goata. Le plus souvent, le manager proposera un entretien à chaud, puis à froid, quelques jours plus tard. Et, si nécessaire, pourra faire appel à un tiers, comme un psychologue du travail. Sans négliger de s’adresser également aux auteurs : "En cas d’agression, nous déposons plainte. Lorsque nous obtenons des condamnations, nous les affichons dans les agences", souligne Aurélie Combas Richard. Manière aussi de signifier aux salariés que la hiérarchie s’engage à leurs côtés.

 

 

 

 

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