Quels sont les nouveaux super-pouvoirs des inspecteurs du travail ?

Classé dans la catégorie : Institutionnels

La loi travail a ratifié l'ordonnance qui, depuis le 1er juillet, renforce l'inspection du travail. La procédure d'arrêt d'activité, en cas de danger grave et imminent, n'est ainsi plus réservée au BTP. L'agent peut aussi notamment demander tout document en matière de santé-sécurité.

Faisons un avant/après. Avant, c’était avant le 1er juillet 2016 et l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 7 avril 2016 qui a réformé les pouvoirs de l’inspection du travail (voir notre article) – laquelle ordonnance a été ratifiée via le projet de loi travail, qui a aussi ajouté quelques éléments nouveaux pour l’inspection du travail. Avant, donc, lorsqu’un agent de contrôle de l’inspection du travail constatait un défaut de protection contre les chutes de hauteur dans une entreprise industrielle par exemple, il ne pouvait pas lancer une procédure d’arrêt temporaire des travaux ou de l’activité pour danger grave et imminent (article L. 4731-1 du code du travail). Cette procédure était réservée au BTP. Avant, lorsqu’il constatait, cette fois dans une entreprise du BTP, la présence d’équipements de travail sans protection pour les travailleurs, il ne pouvait pas faire grand-chose pour rapidement mettre les travailleurs à l’abri. Ce cas n’était pas listé dans le code du travail. Il en va différemment depuis le 1er juillet : dans les deux situations évoquées, l’agent de contrôle peut décider d’un arrêt de l’activité, et ce quel que soit le secteur d’activité, la procédure n’est plus cantonnée au BTP. Et le nombre de situations ouvrant cette possibilité a été amplement élargi (voir encadré).

Procédure d’arrêt de travaux ou d’activité en cas de danger grave et imminent

6 cas sont désormais prévus pour que l’inspection du travail puisse déclencher l’arrêt temporaire d’activité. L’agent doit constater que la cause de danger résulte :

  • [existait déjà] d’un défaut de protection contre les chutes de hauteur ;
  • [existait déjà] de l’absence de dispositifs de nature à éviter les risques d’ensevelissement ;
  • [modifié] de l’absence de dispositifs de protection de nature à éviter les risques liés aux travaux de retrait ou d’encapsulage d’amiante et de matériaux, d’équipements et de matériels ou d’articles en contenant, y compris dans les cas de démolition, ainsi qu’aux interventions sur des matériaux, des équipements, des matériels ou des articles susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante ;
  • [nouveau] de l’utilisation d’équipements de travail dépourvus de protecteurs, de dispositifs de protection ou de composants de sécurité appropriés ou sur lesquels ces protecteurs, dispositifs de protection ou composants de sécurité sont inopérants ;
  • [nouveau] du risque résultant de travaux ou d’une activité dans l’environnement des lignes électriques aériennes ou souterraines ;
  • [nouveau] du risque de contact électrique direct avec des pièces nues sous tension (en dehors des opérations prévues par le code du travail).

Exposition au risque chimique : plus besoin de mesurer

Avant, en cas d’exposition au risque chimique, la procédure d’arrêt temporaire d’activité était longue à se mettre en œuvre, et ainsi peu souvent effective. Après un contrôle, l’agent de l’inspection demandait d’abord à ce qu’un organisme extérieur fasse des mesures pour confirmer l’exposition au-delà des valeurs limites, puis il mettait l’employeur en demeure d’y remédier, et devait encore faire vérifier par des mesures que le dépassement persistait, avant de pouvoir, le cas échéant, ordonner l’arrêt temporaire de l’activité. Aujourd’hui, selon l’article L. 4721-8, il lui suffit de voir que des travailleurs exposés à un risque chimique n’utilisent pas leurs EPI (équipements de protection individuelle) pour pouvoir mettre l’employeur en demeure de faire cesser cette situation, et éventuellement décider de l’arrêt temporaire s’il ne s’y plie pas dans le délai fixé.

L’agent peut ordonner beaucoup plus d’analyses

Avant, lorsqu’il avait un doute, l’inspecteur du travail pouvait demander à l’employeur de faire analyser des "substances et préparations dangereuses", soit un champ assez restreint. Désormais, il a la possibilité d’ordonner ce que l’article L. 4722-1 du code du travail appelle des "contrôles techniques" consistant en "l’analyse toutes matières, y compris substances, mélanges, matériaux, équipements, matériels ou articles susceptibles de comporter ou d’émettre des agents physiques, chimiques ou biologiques dangereux pour les travailleurs". Des analyses qui peuvent être fort coûteuses.

Investigation renforcée en santé-sécurité

Avant, l’agent de contrôle, pouvait demander à voir le document unique. Mais en matière de santé-sécurité au travail, ces pouvoirs d’investigation s’arrêtaient là. Il ne pouvait se faire communiquer "tout document ou tout élément d’information, quel qu’en soit le support" que pour vérifier l’application du code du travail concernant les discriminations, l’égalité professionnelle femmes/hommes, et l’exercice du droit syndical. Désormais, les vérifications sur toute la partie du code du travail concernant la santé-sécurité, ainsi que celles sur le harcèlement moral et sexuel, figurent dans la liste de l’article L. 8113-5 du code du travail. L’agent de contrôle de l’inspection du travail ne se transforme pas pour autant en agent de la brigade financière : il ne peut pas saisir un disque dur, par exemple. Mais il peut demander tous les procès-verbaux de CHSCT, ou tous les e-mails entre certains collaborateurs sur une période, ou encore les minutes d’auditions auprès des salariés qui auraient été organisées par l’employeur suite à un signalement de harcèlement.

Indépendance codifiée

Avant, l’indépendance de l’inspection du travail reposait surtout sur la convention 81 de l’OIT (organisation internationale du travail), appliquée par la France et l’article L. 8112-1 était assez succinct, se contentant de dire que les inspecteurs du travail sont "chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail", ainsi que de "constater les infractions à ces dispositions et stipulations". Désormais, les nouveaux "agents de contrôle" sont bien définis : ils sont "membres soit du corps des inspecteurs du travail, soit du corps des contrôleurs du travail jusqu’à l’extinction de leur corps" (voir notre article) et devront être "associés à la définition des orientations collectives et des priorités d’intérêt général pour le système d’inspection du travail". Surtout, la garantie de leur indépendance dans l’exercice de leurs missions est codifiée : elle est affirmée à ce même article L. 8112-1, tout comme le fait qu’ils sont "libres d’organiser et de conduire des contrôles à leur initiative et décident des suites à leur apporter".

Cher délit d’obstacle

Avant, le délit d’obstacle était souvent brandi, mais ne faisait pas vraiment peur, car la sanction d’un an d’emprisonnement n’était que très rarement appliquée et les 3 750 euros d’amende peu dissuasifs. Désormais, l’emprisonnement ne devrait pas davantage être utilisé, mais l’amende passe à 37 500 euros. Exiger la carte professionnelle d’un agent par principe, alors que l’on n’a pas de doute sur son identité, est un délit d’outrage. Tout comme persister à ne pas afficher les horaires de travail après plusieurs rappels de l’inspection du travail. Ou encore fournir volontairement des renseignements inexacts. Quand on vous dit que, sur le papier, les inspecteurs du travail ne sont plus des tigres de papier (voir notre article).

Et la loi travail ?

En plus de ratifier l’ordonnance du 7 avril, la loi travail comporte deux dispositions touchant directement l’inspection du travail.

  • Elle crée un "code de déontologie du service public de l’inspection du travail". Il sera établi par décret, et fixera "les règles que doivent respecter ses agents ainsi que leurs droits", en respectant les prérogatives et garanties des conventions 81 et 129 de l’OIT, et du code du travail.
  • Le plan de transformation des emplois de contrôleurs du travail en inspecteurs du travail (voir notre article) est prolongé d’un an, dans la limite d’un contingent de 250 postes par an.

 

 

 

 

Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.

Les derniers produits des risques professionnels