Sécurité incendie : ne brûlez pas les étapes

Par où commencer si vous souhaitez revoir votre stratégie en matière de sécurité incendie ? Si vous pensez d'emblée au choix du détecteur, vous vous trompez.

Pour les spécialistes du sujet, autant ne pas investir si l'on ne réfléchit pas d'abord aux spécificités de ses locaux ou à la maintenance.

Sept entreprises sur dix ayant subi un incendie mettent la clé sous la porte dans l’année qui suit, selon l’INRS. Faut-il pour autant se précipiter sur le premier détecteur d’incendie qui passe et investir dans une flotte de drones pour surveiller les moindres recoins de son installation ? Non, estiment plusieurs experts du sujet, réunis à Paris mardi 29 septembre par Afinege (association francilienne des industries pour l’étude et la gestion de l’environnement et de la sécurité). Selon eux, la recette pour garantir l’intégrité d’une installation contre le risque incendie repose sur d’autres ingrédients que les seuls équipements. Même si ceux-ci restent souvent le nerf de la guerre.

Taille, hauteur et aménagement

"Il n’y a pas de système de détection incendie universel. Tout dépend de ce qui brûle, et de l’environnement où cela brûle". Olivier Rolland le sait : il est expert sur le sujet chez Siemens Building Technologies. Comment choisir donc, entre détecteurs optiques de fumées, détecteurs de flammes à infrarouge ou ultraviolets, détecteur mixte ? En fonction de la hauteur et de la surface des locaux qu’il faut équiper. "Pour un détecteur de fumée par exemple", illustre Olivier Rolland, "la zone maximale surveillée ne doit pas excéder les 80 m²". La configuration de l’espace doit aussi être prise en compte. Un détecteur optique de flammes par exemple ne perçoit que ce qui est dans son champ de vision ; si l’incendie se déclare derrière une armoire qui le cache, il ne sera donc pas détecté. À moins de disposer des détecteurs partout dans le local ?

Poussière et mauvaises surprises

"Surtout", reprend Olivier Rolland, "la définition d’une technologie de détection doit être associée à une analyse de risques, listant ce qui peut brûler et dans quel environnement". Ainsi un industriel utilisant des métaux tels que le zirconium ne doit pas opter pour un détecteur de flammes à infrarouges : ce métal n’en émet presque pas en brûlant. Dans les locaux où l’aération est forte – les datacenters par exemple – les détecteurs mixtes sont les plus conseillés. En revanche ils sont mal adaptés aux locaux poussiéreux et humides. Chez Afinege, un exploitant ayant choisi cette solution explique devoir procéder plusieurs fois par an à un dépoussiérage du réseau de tuyauterie auquel ses détecteurs sont connectés. Une procédure coûteuse et pénible pour les chargés de maintenance. Pour éviter les mauvaises surprises, l’expert suggère aux entreprises de s’en remettre au référentiel Apsad (R7) édité par le CNPP (centre national de prévention et de protection).

Binôme exploitant-équipier

Quelle durée de vie pour ces équipements ? "Il doit y avoir un roulement tous les 4 ans", affirme Olivier Rolland, pour qui "les détecteurs doivent être associés à un contrat d’entretien". Carine Bryselbout est responsable du service prévention et gestion des risques au Siaap (syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne). Pour assurer la maintenance des installations qu’elle supervise, elle suit d’abord la réglementation : "Nous testons l’ensemble des équipements au moins une fois par an, en deux campagnes de tests". Ce à quoi s’ajoute une "ronde hebdomadaire" de ceux qu’elle appelle les "équipiers". Des personnes chargées de veiller sur le SDI (système de détection incendie) de l’ensemble des installations, et d'assister l'exploitant depuis le poste de commande central. En cas de déclenchement d’une alarme sur un site par exemple : l’exploitant utilise une "ligne d’urgence" expose Carine Bryselbout, puis des équipiers se déplacent pour "lever le doute" avec lui ou appeler les secours.

Normes et analyse de risques

Cette centralisation du système faisait partie des objectifs du "schéma directeur incendie" du Siaap. Afin de renouveler la stratégie en terme de sécurité incendie, la responsable du service prévention et gestion des risques s’est appuyée sur ce document : un tableau répertoriant les risques sur l’ensemble des installations, la sensibilité de ces risques par rapport à la continuité de l’activité, etc. Et pour remplir les cases dudit tableau, Carine Bryselbout a puisé dans l’analyse des risques incendies, la cartographie des flux thermiques réalisée pour toutes ses installations et, là encore, dans la réglementation. Le code du travail, les arrêtés préfectoraux d’autorisation d’exploitation et les normes Apsad 7 et NF 61-931/ 932/ 934 / 936. Autant dire que ce n’est pas au Siaap qu’Yves Goacolou, du CNPP, a vu des détecteurs installés à 15 cm de la climatisation et des déclencheurs d'alarme posés à 2,50 m de hauteur.

De la conception à la réception

C'est pourtant fréquemment ce qu'il rencontre lorsqu'il accompagne les entreprises sur le sujet de la sécurité incendie. "90 % de nos problèmes en intervention surviennent du fait que les systèmes de détection sont mal intégrés à leur environnement et font interférence avec d’autres systèmes", déplore-t-il. Il conseille donc aux entreprises qui voudraient revoir leur stratégie de bien identifier leurs besoins dans un premier temps, puis de se fixer un "programme d’opération". Scénarios redoutés, spécificités techniques à prendre en compte, contraintes d’exploitation : tout doit être pris en compte avant le choix et l'installation d'un SDI. Les objectifs à atteindre et les critères d'évaluation doivent eux aussi être listés. "Il faut aussi prévoir de bonnes conditions d’accès pour la maintenance", ajoute-t-il, faute de quoi certains détecteurs ne peuvent être vérifiés. Yves Goacolou rappelle enfin que la réception des équipements est une étape importante. Avant et après, des documents attestent de la bonne marche des détecteurs et peuvent être exigés par l'exploitant – les certificats d’autocontrôle et les DOE (dossiers des ouvrages exécutés) notamment –. La meilleure option est encore, pour lui, de faire appel à des entreprises certifiées (voir notre article), par le CNPP ou par d'autres.

 

 

 

Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.

Les derniers produits des risques professionnels