Histoires de travail et de plage (horaire)

Classé dans la catégorie : Général

La majorité des salariés français travaillent 35 h par semaine, avec des horaires identiques chaque jour, selon les derniers chiffres de la Dares. Mais le travail prend de plus en plus de place, disent-il aussi, et cela n’est pas qu’une question d’horaires ou de durée.

D’après les chiffres publiés par la Dares en juin dernier, le nombre de salariés travaillant le dimanche augmente d’année en année. En 2013, ils étaient 13 % à être concernés de façon régulière, 15,4 % de façon occasionnelle. Et ces taux devraient encore augmenter avec l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi Macron sur le sujet (voir notre article). "Le temps de travail est au cœur de plusieurs dispositions législatives, et cela n’est pas remis en cause par le projet de loi Macron", commentait il y a quelques temps à l’occasion d’un déjeuner sur le sujet Charlotte Michaud, avocate spécialisée en droit du travail. Or "dans un contexte de montée du stress, de RPS (risques psycho-sociaux), c’est souvent la durée du travail qu’on incrimine", poursuit-elle. Pour l’avocate, "c’est plus compliqué que cela".

Le respect des "prescriptions minimales"

Un quart des salariés commencent leur journée de travail entre 8h et 8h 30. Et ce au quotidien pour plus de la moitié d’entre eux : en France, au moins un salarié sur deux a des horaires identiques d’un jour à l’autre. Cette proportion a ceci dit tendance à reculer avec le temps, et la proportion de salariés avec des horaires dits "à la carte" augmente légèrement (13,1 % en 2013). Quelle que soit leur organisation à ce niveau, ils travaillent pour beaucoup (29 %) entre 8 et 9h par jour, et sont à peine moins à travailler entre 9 et 10h quotidiennement (24 %). 11 % déclarent travailler sur des plages horaires supérieures au maximum légal c'est à dire 10h par jour. Les professionnels les plus concernés étant alors les cadres d’entreprise (14,8 %) et les ouvriers (13 %), loin derrières les fournisseurs de services directs aux particuliers (23,5 %). Hormis ce dernier cas, les chiffres de la Dares montrent un relatif respect des "prescriptions minimales" rappelées par Charlotte Michaud : 10h de travail maximum par jour, 48h par semaine, sauf dérogation.

Des horaires souvent non contrôlés

L’employeur étant "garant du suivi de ces prescriptions", c’est aussi à lui que revient le contrôle de la durée du travail de ses salariés. Selon l’étude de la Dares, 19,8 % des salariés doivent "pointer" via un système d’horloge, 12 % auprès de leur encadrement, près de 9% doivent remplir et/ou signer une fiche. Et les autres ? La durée de leur travail n’est pas contrôlée. Ce contrôle zéro concerne surtout les ouvriers agricoles (à 66 %), les employés du privé (à 52 %), et les travailleurs des services aux particuliers (à 62,6 %). Quant à leur droit au repos, il n’est pas toujours bien contrôlé non plus, si l’on en croit la jurisprudence. 83,7 % des salariés disposeraient de 48h consécutives de repos hebdomadaires, alors que le minimum légal est de 24h. Toutefois, ces dernières années, la CJUE (Cour de justice européenne) a estimé nécessaire de rappeler qu’il s’agissait là d’un "droit fondamental", fait remarquer Charlotte Michaud. La Cour de cassation a quant à elle signalé dans un arrêt datant d’octobre 2012 qu’il appartenait à l’employeur de prouver qu’il respectait les durées de travail maximales.

Débordement de plage horaire

D’autres données viennent encore nuancer le tableau. Premier exemple avec la proportion de salariés qui déclarent connaître leurs horaires à l’avance – d’un mois sur l’autre –. Elle recule légèrement entre 2005 et 2013. Inversement, la part de ceux qui les connaissent une semaine ou un jour à l’avance augmente. Second exemple, avec le taux de salariés dépassant régulièrement leur plage horaire de travail : ils seraient plus de 50 %. 7,7% débordent même tous les jours. Sans compter la part grandissante de travailleurs qui déclarent emporter du travail à faire chez eux. La Dares signale que parmi les travailleurs concernés par ces débordements, moins de la moitié (42%) reçoivent une compensation en salaire ou en repos. 48 % le font donc gratuitement. Ce malgré, là encore, les fréquents rappels de la jurisprudence : de nombreux arrêts de la Cour de cassation assènent que la nature et la quantité des tâches à effectuer doivent être proportionnées au temps de travail imparti.

Charge et organisation du travail

Autant de preuves d’une intensification du travail (voir notre article), mais que la durée du travail (ou plutôt son dépassement) n’explique pas entièrement. Pour Bruno Fieschi, avocat spécialiste du droit de la sécurité sociale également présent lors du déjeuner, il faut aussi convoquer la notion de charge de travail. "Elle est très peu définie dans le code du travail", poursuit-il, "pourtant, elle est au cœur de la jurisprudence sur la durée du travail". De même que la notion d’organisation du travail. Il cite là le cas Snecma, où l’on voit le juge limiter le pouvoir d’organisation du temps de travail de l’employeur. Pour rappel, cette société envisageait de mettre en place une nouvelle organisation de la maintenance et de la surveillance avec moins de salariés, sur un site classé Seveso. Mais la Cour de cassation a estimé que cette nouvelle organisation des horaires et des équipes entraînerait un isolement du technicien chargé d’assurer seul le travail à certains moments, que la “charge mentale du travail” serait trop forte pour lui (voir notre article).

Au-delà des prescriptions minimales

Pour Bruno Fieschi, ce sont désormais ces trois notions, plutôt que la simple durée du travail, que le juge prend en compte pour se prononcer sur un manquement à l’obligation de sécurité de résultat ou une faute inexcusable de l’employeur. "Il s’assure notamment du fait que l’employeur a adapté les tâches et l’organisation du travail de façon à ce que pour le salarié, relever le défi soit possible". Du côté de l’employeur, il s’agit donc bien plus que du respect des prescriptions minimales évoquées plus haut. Côté salarié, si le travail prend de plus en plus de place – pas seulement en terme de temps – la Dares se permet une touche d’optimisme : il serait de plus en plus facile de s’arranger entre collègues pour modifier ses horaires en cas d’imprévu.

 

 

 

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