Le projet de loi de santé se penche (aussi) sur le cas de la santé au travail

Classé dans la catégorie : Institutionnels

Le projet de loi sur la modernisation du système de santé est examiné à l’Assemblée nationale jusqu’au mardi 14 avril.

Des collaborateurs médecins à l'emplacement pour vapoteurs, nous faisons le point sur ce que réserve le texte, en son état actuel, à la santé au travail

Les députés planchent sur le projet de loi de santé depuis le 31 mars 2015. Parmi la centaine d’article qui le composent, six concernent la santé au travail. Ils sont essentiellement concentrés dans un chapitre intitulé "soutenir les services de santé au travail", lequel est intégré au premier titre du texte. Ces articles introduisent pour beaucoup des éléments déjà annoncés par la ministre de la Santé ces derniers mois. S'ils sont votés en l'état par les députés mardi 14 avril, le texte passera ensuite entre les mains des sénateurs, fin juin. D'ici là, récapitulons.

La marge de manoeuvre du collaborateur médecin

Mesure réclamée par la profession et plusieurs fois repoussée, l’évolution des compétences du collaborateur médecin figure bien dans le projet de loi, comme il avait été annoncé en septembre 2014 (voir notre article). Jusqu’ici, ce médecin diplômé, en reconversion dans la médecine du travail et en formation auprès de professionnels avait peu de latitude. Il ne pouvait notamment pas se prononcer sur les aptitudes et inaptitudes. Pas possible non plus pour lui de faire du conseil à l’employeur ou au salarié. Pourtant, à sa création, le collaborateur médecin était censé seconder sinon prendre le relais du médecin du travail, professionnel dont la raréfaction inquiète. Modifier les prérogatives du collaborateur médecin nécessitait un changement par voie législative : l’article 6 a été crée en ce sens.

Renvoi vers un décret

Celui-ci modifie le code du travail en y ajoutant que "le collaborateur médecin p[eut] exercer les fonctions dévolues aux médecins du travail", à condition qu’il soit engagé dans une formation, qu’il exerce sous l’autorité d’un médecin du travail d’un service de santé au travail, et qu’un protocole écrit et validé par ce médecin ait été établi. Sans en dire plus, l’article renvoie un décret, qui définira plus précisément les conditions d’exercice du collaborateur médecin . Plusieurs députés, de l’opposition et de la majorité ont évoqué la possibilité de changer sa dénomination, l’estimant "péjorative". "On peut se demander si la dénomination est tout à fait satisfaisante”, a objectivé Olivier Véran, un des rapporteurs du projet de loi. Une question que n’a pas tranché la ministre de la Santé : "Cette appellation existe déjà et elle est inscrite dans le code du travail. Je veux bien que l’on réfléchisse à une autre dénomination, mais il faudra alors qu’elle s’applique à l’ensemble du code sinon on aboutirait à un flou juridique", a-t-elle fait valoir.

Nouvelles données dans le rapport annuel d’activité

Le collaborateur médecin pourra-t-il rédiger le rapport annuel d’activité que doit établir le médecin du travail pour chaque entreprise dont il a la charge ? Toujours est-il que ce rapport devrait épaissir : comme le veut l’article 6 ter du projet de loi, introduit via un amendement socialiste, il devra à l’avenir comporter des "données sexuées", selon un modèle fixé par arrêté du ministère du Travail. "Les accidents du travail pour les femmes ont augmenté de plus de 20% en dix ans, alors qu’il diminuent chez les hommes", a fait valoir lors de la première séance d’examen du texte la députée PS Catherine Coutelle. Elle est également présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droit des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. "On observe également une progression deux fois plus rapide des maladies professionnelles reconnues chez les femmes", a-t-elle ajouté (voir notre article). Or, pointe l’amendement, "les logiciels informatiques des médecins ne prévoient pas de croiser les données recueillies avec le sexe pour synthétiser leurs résultats". D’après la députée, cet article doit remédier à ce constat, et permettre "une meilleure connaissance du phénomène".

Le rôle de préventeur du CHSCT consacré

Le CHSCT est également concerné par le projet de loi de santé puisqu’il fait l’objet d’un article à lui seul : l’article 6 bis. Introduit via un amendement socialiste lui aussi, il consiste à "reconnaître clairement la prévention comme l’une des missions des CHSCT". Par prévention, les députés entendent "l’évitement de toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail". "Depuis plus de 60 ans", estiment-ils, "les CHS puis CHSCT se sont installés durablement dans le paysage de l’entreprise comme des acteurs incontournables de la prévention des risques et de la protection de la santé des salariés. Son champ d’action en matière de prévention a été étendu à des domaines divers." Un constat désormais "en dur" dans les textes, alors que le CHSCT pourrait changer de format d'ici quelques mois si l'avant-projet de loi sur le dialogue social n'évolue pas (voir notre article)

Un emplacement pour les vapoteurs...

La ministre de la santé l’avait annoncé en septembre 2014 (voir notre article) le projet de loi bannit la cigarette électronique dans les lieux publics, y compris les "lieux de travail fermés et couverts à usage collectif" (article 5 undecies). Au premier abord, le terme "collectif" semble exclure les bureaux individuels. Or la circulaire du 29 novembre 2006 "relative à l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif", estime que les lieux collectifs regroupent aussi bien les "locaux affectés à l’ensemble du personnel" que les "locaux de travail, salles de réunion ou de formation [et] bureaux, même occupés par une seule personne". En septembre le ministère précisait qu’il faudrait "attendre la présentation de la loi santé pour en être sûr". Sept mois plus tard, le texte n’est pas beaucoup plus précis sur cette question. Toutefois, l’article 5 undecies précise que "des emplacements réservés à l’usage des dispositifs électroniques de vapotage seront mis à la disposition des vapoteurs [sur les lieux de travail]." Il renvoie à un décret en Conseil d’État pour "fixer les conditions d’application du présent article, notamment les modalités d’aménagement des emplacements réservés à l’usage des dispositifs électroniques de vapotage".

Et des patchs pour les fumeurs ?

Si le projet de loi est voté en l'état, l'article 33 ne changera rien à la question de l'emplacement pour vapoteurs. Tout comme pour les sages-femmes et les infirmier(e), il suggère de donner la possibilité au médecin du travail de prescrire des substituts nicotiniques aux salariés dont il a la charge. Une proposition qui a mobilisé l'opposition : celle-ci a déposé un certain nombre d'amendements pour supprimer cette potentielle nouvelle prérogative du médecin du travail. L'article 33 sera justement parmi les premiers examinés ce vendredi 10 avril.

 

 

 

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