Risques psychosociaux : "Aujourd'hui, on ne manage plus des systèmes mais des hommes"

"Le manager doit être préparé à être confronté aux problèmes", expose Hervé Lanouzière, directeur général de l'Anact.

En quelques années, la prévention des risques psychosociaux a bien évolué, passant d'une vision individu par individu à une prise en compte plus collective. Ce qui remettrait le travail au centre des débats, et les managers au cœur de la réussite.

La prévention des risques psychosociaux a grandement évolué au cours de ces dernières années. Une évolution particulièrement visible lors d'un colloque sur la question début novembre à Lyon (voir notre article). Ainsi, lors des retours d'expérience quant à la prise en compte des RPS, les mots harcèlement ou stress n'ont jamais été prononcés. Les intervenants ont même finalement assez peu utilisé les mots "risques psychosociaux", pour se concentrer sur le travail et la qualité de vie au travail. "Un colloque de ce genre organisé il y a cinq ans aurait davantage tourné autour de la périphérie du travail", y confirme Hervé Lanouzière, directeur général de l'Anact. "Par le passé, les RPS ont souvent été réduits au règlement d'un litige entre deux personnes. Cela se traduisait par la recherche d'un coupable, d'un responsable. Nous avons finalement découvert qu'il y avait, derrière le harcèlement moral ou le stress, des problèmes plus collectifs. La prévention s'est recentrée."

Le collectif devant l'individu

En quelques années, la prise en charge individuelle aurait donc laissé place à une prise en charge collective. "Tout ce que nous avons lancé dans le domaine des RPS a en effet été réalisé à l'échelon collectif", confirme Stéphane Jardiau, manager logistique pour la société Ugitech, qui a témoigné lors du colloque. Les actions menées sur le terrain devraient aujourd'hui englober au maximum l'ensemble des salariés, notamment dans le but de faciliter le dialogue social. "Il est important pour lutter contre les risques psychosociaux de renouer le dialogue", insiste Hervé Lanouzière : "Ce ne sont pas seulement des problèmes de santé. Il est primordial d'ajouter à la prévention des RPS un dialogue constructif entre managers et salariés. Ils doivent ensemble trouver des compromis pour répondre aux difficultés de certains d'entre eux". Selon lui, l'essentiel est de "créer un espace de discussion" pour dépasser un "écart important" entre les opinions de chacun. "Les managers doivent améliorer leur capacité à recueillir l'information et à la traiter", analyse-t-il.

Le manager au centre du dispositif

Le manager se retrouve souvent au cœur des plans d'action pour lutter contre les risques psychosociaux. Lors des conflits, ils sont fréquemment pointés du doigt. Ainsi, chez Lustucru Frais, alors que les managers tentaient de diminuer les tensions entre les équipes et la direction, l'encadrement a été, lors des entretiens individuels notamment, fortement critiqué. Ce qui avait "surpris" Jérôme Raffini, manager et membre du CHSCT : "nous avions bien observé le désengagement de certains de nos salariés mais nous le mettions sur le compte d'un mauvais relationnel entre eux". Pourtant, c'était bien les techniques managériales qui étaient visées. Le constat a été le même chez PliAlu, société rhône-alpine de 14 personnes. "Le diagnostic a été difficile pour certains, il faut donc être vigilants", souligne quant à lui Stéphane Jardiau, manager chez Ugitech, plaidant de ce fait pour une vision collective et non individuelle, afin d'éviter toute stigmatisation. L'implication des managers est "fondamentale", selon Patrick Le Tanno, médecin du travail chez Ugitech. Il ajoute que "non pris en compte, les problèmes de management peuvent avoir des répercussions sur le travail et la santé de tous les salariés". Il faut donc aller au-delà de la prise en compte, et réellement les résoudre.

Des managers à former, un top management à informer

Face à ce constat d'échec fréquent des équipes managériales, il paraît intéressant que ces derniers soient davantage formés et mieux armés pour récupérer les plaintes des salariés et leur proposer des solutions. Pour cela, il faudrait proposer " un soutien aux managers", estime Hervé Lanouzière. "Aujourd'hui, on ne manage plus des systèmes mais des hommes. Nous devons désormais nous intéresser davantage au management. C'est un des chantiers qui nous attend. Le manager doit être prêt à entendre les critiques, tout en bénéficiant de marges de manœuvre suffisantes pour pouvoir agir." La progression du manager devrait être lente pour lui permettre d'accumuler de l'expérience et de s'améliorer. "Le manager doit être préparé à être confronté aux problèmes", conclut le directeur de l'Anact. "L'organisation du top management doit lui en donner les moyens. Nous avons donc aussi besoin de sensibiliser le top management."

 

 

Auteur : Par Clémence Lamirand, actuEL-HSE.

 

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