La médiation en entreprise, un outil à disposition de l’employeur pour protéger la santé des salariés

Classé dans la catégorie : Général

La médiation en entreprise est un processus de communication facilité par le médiateur permettant à des salariés de reprendre un dialogue rompu et de trouver par eux-mêmes une issue à leurs difficultés relationnelles.

En favorisant le dialogue dans l’entreprise et en responsabilisant les acteurs, la médiation prévient ou met fin à des situations de violence, de stress, de démotivation et de harcèlement.

Du point de vue de l’employeur, elle est un outil à sa disposition pour accomplir son obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés (L. 4121-1 Code du travail).

Rappelons tout d’abord la portée de cette obligation au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Cette obligation dite de sécurité/résultat est très lourde. Il suffit que le résultat assigné par l’obligation ne soit pas atteint pour que la responsabilité de l’employeur puisse être mise en jeu, quelles que soient les actions menées par l’employeur pour tenter d’atteindre ce résultat. Le résultat est ici la protection de la santé du salarié. Si ce dernier souffre, se sent en insécurité dans l’accomplissement de son travail, l’employeur n’a pas accompli son obligation. Même si ce dernier a tout fait pour faire cesser cette souffrance en prenant diverses mesures, le salarié pourra mettre en jeu sa responsabilité (1).

Certains en tirent comme conclusion qu’il est alors inutile que l’employeur prenne des mesures pour tenter de faire cesser le mal-être puisqu’il est, quoi qu’il fasse, responsable.

C’est une conclusion absurde. L’intention de la Cour de cassation n’est pas de conduire l’employeur à l’immobilisme face à la santé de ses salariés. Ce qu’elle recherche c’est d’amener l’employeur à réagir de façon efficace devant le mal être : l’employeur doit faire cesser la souffrance en agissant.

Il doit dès lors choisir la mesure permettant le plus sûrement d’aboutir à préserver ou restaurer la santé de son salarié.

Parmi ces mesures, il y a la médiation en entreprise. Lorsqu’elle est adaptée à la situation et est menée de façon professionnelle, elle permet plus efficacement que d’autres mesures d’atteindre le résultat cherché par l’employeur, préserver la santé de ses salariés.

Ce raisonnement est tiré d’une interprétation des arrêts récents de la chambre sociale de la Cour de cassation.

Il se dessine dans la jurisprudence de la Cour de cassation de façon de plus en plus nette une obligation à la charge de l’employeur de réactivité immédiate et efficace face à un conflit relationnel impliquant ses salariés.

Tout d’abord, l’employeur est tenu d’assurer l’effectivité de cette obligation de sécurité en prenant des mesures pour résoudre les difficultés auxquelles les salariés sont confrontés. Son immobilisme est condamné (2). Il a une obligation de réagir devant un conflit relationnel (3) et doit prendre des mesures, dont la nature n’est pas encore déterminée (enquête, coaching, audit, médiation, etc.).

Mais même lorsqu’il prend des mesures, comme par exemple le licenciement d’un salarié accusé de harcèlement, cela ne l’exonère pas de sa responsabilité dès lors que cette mesure n’a pas permis de mettre fin à la souffrance de la salariée qui se dit victime de harcèlement (4).

Il doit agir efficacement, c’est-à-dire de façon à empêcher que le mal-être s’installe. Le licenciement n’a pas en l’espèce empêché la souffrance de s’installer.

Ensuite, il faut aussi noter que même si l’employeur ignorait la situation de souffrance de sa salariée, sa responsabilité peut être mise en cause. Ainsi, alors qu’une salariée en souffrance n’avait pas prévenu l’employeur ni le médecin du travail de ses difficultés, l’employeur a été tenu pour responsable dès lors que la santé de la salariée était en cause (5). Se dessine ici une obligation de s’enquérir du bien-être de ses salariés… qui est une conséquence logique de la recherche d’une action préservant efficacement la santé des salariés.

Le message adressé par la Cour aux employeurs est des plus simples : « pas de mal-être au travail. Le choix des outils vous appartient mais faites en sorte que votre action mette fin à la souffrance au travail. Plus vous agirez en amont, plus efficace sera votre protection».

Pour ce faire, le changement culturel à réaliser est colossal. A l’heure où l’on perçoit la nécessité d’identifier les risques psychosociaux dans le document unique, il faut déjà aller plus loin et mettre en place des dispositifs de dialogue permettant à tout salarié d’exprimer au plus vite un malaise relationnel et lui proposer des solutions adéquates.

La médiation est un moyen parmi d’autres pour gérer les difficultés relationnelles et prévenir la souffrance, la violence et le mal-être au travail. Le médiateur peut encadrer des ateliers d’expression des besoins, animer des formations au conflit relationnel, accompagner des projets complexes porteurs de conflits potentiels, gérer des difficultés relationnelles et aider les personnes en conflit à trouver leur propre solution.

Auteur : Federica Oudin, médiatrice en entreprise (CAP ! S’entendre au travail) et maître de conférences en droit privé Université de Tours
Contact : f.oudin AT cap-atelierdemediation.com

  1. Ch. Soc. 19 janvier 2012, pourvoi n°10-20935 : En l'espèce l'employeur après une sanction disciplinaire prise à l'encontre de la salariée harceleuse dès connaissance des faits avérés à l'égard de ses collègues, avait de surcroît procédé à une modification du contrat de travail en basculant d'un travail de nuit à un travail de jour afin d'éviter toute mise en contact. La Cour de cassation estime cependant que l’employeur a manqué à cette obligation lorsqu'un salarié est victime, sur le lieu de travail, d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements"
  2. C. cass. ch. sociale, 17 févr. 2010, n° de pourvoi: 08-44298 : les juges ont caractérisé un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, en constatant que la maladie d’une salariée, qui avait eu un sérieux malaise à la suite d'un entretien individuel, était liée à ses conditions de travail et que l'employeur, pourtant alerté par plusieurs courriers de celle-ci, n'avait pris aucune mesure pour résoudre les difficultés qu'elle avait exposées.
  3. Ch. Soc. 17 oct. 2012, n° pourvoi : 11-18208. Une salariée était en conflit avec sa supérieure hiérarchique et avait notamment refusé d'accomplir certaines tâches. Elles ne communiquaient plus que par mail. L'employeur avait été alerté de ces difficultés et avait été invité par l'inspection du travail à avoir recours à un médiateur. Mais il avait refusé la médiation parce qu'il était prévu que le directeur des ressources humaines n'y participerait pas car il était jugé trop impliqué. L'employeur n'avait pas non plus accédé à la demande de la salariée de changement de service. Il avait cependant reçu à plusieurs reprises la salariée et invité l'inspection du travail à se rendre sur place pour faire les constatations utiles et avait convoqué une réunion extraordinaire du CHSCT. La salariée a démissionné et obtenu de la cour d'appel la requalification en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse en raison du manquement grave de l'employeur qui a laissé perdurer un conflit sans lui apporter de solution. La prise d'acte de la rupture à l'initiative de la salariée est jugée fondée, ce que confirme la Cour de cassation. Cet arrêt, simplement destiné à la diffusion et non à la publication au bulletin, de surcroît rendu par une formation restreinte, ne peut être interprété comme encourageant expressément le recours à la médiation. La Cour de cassation ne reprend pas dans sa motivation la référence à la médiation.
  4. Ch. Soc. 19 janvier 2012 n°10-20935 et Ch. Soc. 23 janvier 2013, n° de pourvoi: 11-18855. En l’espèce, cette sanction était intervenue tardivement non pas en raison de l’indifférence de l’employeur car celui-ci avait été semble-t-il réactif et avait cherché à licencier le « harceleur » quatre mois plus tôt. Cependant, s’agissant d’un délégué syndical, l’inspection du travail s’était opposée dans un premier temps au licenciement.
  5. C. Cass. Ch. Sociale 13 mars 2013, n° de pourvoi : 11-22082, alors que la salarié n’avait à aucun moment alerté son employeur quant à l'existence d'une situation de stress anormal ni davantage pris attache avec la médecine du travail, la Cour retient que son absence prolongée pour cause de maladie résultait d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat.

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